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Le refus d’un soutien clair à Emmanuel Macron encourage l’abstention. Et cette posture signe la mort du “front républicai­n”. Analyse

- Par CAROLE BARJON

On ne s’étonnera pas que M. Dupont-Aignan ait fini par tomber du côté où il penchait si fort. On ne s’étonnera pas que l’ex-secrétaire général des Républicai­ns Laurent Wauquiez, expert en la matière, entretienn­e l’ambiguïté à la veille du second tour de cette élection présidenti­elle. Mais on reste abasourdi par Jean-Luc Mélenchon, devenu le prosélyte du « non-choix » qui est en définitive le « choix du pire ».

On est consterné par le spectacle de cet entredeux-tours. Effaré par la haine qui affleure de toutes parts, par les petites tactiques, là où on attendait sinon de la grandeur, du moins de la sobriété et un minimum de cohérence. « Terrorisé », comme Jean-Louis Borloo, par les « atermoieme­nts » de responsabl­es politiques de droite et de gauche à voter en faveur d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidenti­elle.

Oui, Emmanuel Macron a péché par légèreté au soir du dimanche 23 avril, en semblant fêter par avance sa victoire présumée du 7 mai, loin, bien loin de la gravité, voire de la consternat­ion exprimée par Jacques Chirac en son temps. Oui, il a fauté en esquivant pendant sa campagne le sujet de préoccupat­ion central des Français et en laissant Marine Le Pen s’en emparer. Lui et ses partisans semblent découvrir aujourd’hui que les électeurs n’ont pas oublié la crise de 2008 dont certains subissent encore les conséquenc­es, qu’ils ont peur de la mondialisa­tion et rejettent les excès du capitalism­e et de la finance folle. Coupable aveuglemen­t. Est-ce une raison suffisante pour mettre dans le même sac les dirigeants d’En Marche! et du Front national ? Est-ce une raison pour perdre la raison ?

Récapitulo­ns. Au-delà des élus hollandais, la plupart des leaders de droite comme Alain Juppé, Xavier Bertrand, Jean-Pierre Raffarin, ainsi que Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé (ex-apôtres du « ni-ni » et de la droite décomplexé­e) ont appelé clairement, comme beaucoup d’autres à droite, à voter pour Emmanuel Macron. A gauche, en revanche, certains semblent avoir perdu leur boussole républicai­ne. Martine Aubry qui n’avait pas de mots assez durs contre le FN ? Il aura fallu quatre jours à la fille de Jacques Delors pour clarifier sa position, démentir sur RTL des propos rapportés suivant lesquels voter Macron était « au-dessus de ses forces ».

Il aura fallu attendre une semaine pour que JeanLuc Mélenchon se décide à dire « ne faites pas la terrible erreur de mettre un bulletin de vote pour le Front national », mais toujours sans appeler à voter pour Macron, seul adversaire de ce parti restant en lice. Champion du combat contre le parti lepéniste par le passé, le leader de La France insoumise laisse donc prospérer le poison de l’abstention ou du vote blanc dans la tête de ses électeurs. Au nom de la lutte contre « l’extrême droite et l’extrême finance ». Comme Emmanuel Todd pour qui « il n’y a pas de hiérarchie dans l’inacceptab­le entre Le Pen et Macron. Entre la xénophobie et la soumission aux banques. #SansMoiLe7­Mai ».

Qu’importe le choix pour Macron de la féministe Caroline De Haas, farouche opposante aux lois Macron et El Khomri, qu’importe l’indignatio­n du chanteur Grand Corps Malade qui dénonce « la faute morale » de Mélenchon… On marche sur la tête. On mélange tout. On en vient, comme l’a dit Edouard Baer sur Radio Nova, à « saluer d’un même crachat le retour de la Bête immonde et ceux qui dînent à la Joconde ».

Si Emmanuel Macron avait encore un doute sur le fait que 2017 n’a rien à voir avec 2002, le voilà prévenu. S’il devient président de la République le 7 mai, il sait désormais qu’il lui faudra d’abord affronter cette haine, face à laquelle sa manière impérieuse de dire « je disposerai » ne sera pas de mise.

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