L'Obs

10 choses à savoir sur…

La soeur d’Adama, mort par asphyxie à la gendarmeri­e de Persan, le 19 juillet 2016, publie un livre de combat pour faire reconnaîtr­e la violence policière

- SYLVAIN COURAGE

Assa Traoré

1 LA FAMILLE

Assa Traoré, 32 ans, mère de trois enfants, est la porte-parole d’une famille « nombreuse et soudée ». Dix-sept frères et soeurs, issus de quatre mères. Les Traoré ont grandi dans la résidence de Boyenval à Beaumont-sur-Oise. Leur père Mara-Siré, né au Mali, était chef étanchéité. Emporté en août 1999 par un cancer des poumons, l’homme avait adressé à ses 17 enfants une ultime recommanda­tion : « S’il arrive malheur à l’un d’entre vous un jour, il faudra compter sur la fratrie. »

2 ADAMA

Son petit frère est mort asphyxié le 19 juillet 2016 dans les locaux de la gendarmeri­e de Persan, sur le ventre, mains menottées dans le dos. Les gendarmes à l’origine de son interpella­tion l’ont dit aux enquêteurs : « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois. » Ce jour-là, Adama Traoré devait fêter ses 24 ans. Assa Traoré et sa famille ont déposé plainte pour « violences volontaire­s ayant entraîné la mort sans intention de la donner », et « non-assistance à personne en danger ».

3 INTERPELLA­TIONS

Quatre des frères Traoré ont été interpellé­s depuis la mort d’Adama. Deux restent incarcérés. Bagui est accusé d’outrages et de menaces de mort sur personnes dépositair­es de l’autorité publique depuis un rassemblem­ent devant la mairie de Beaumont-sur-Oise, en novembre dernier. Il est aussi poursuivi pour tentative d’assassinat sur les forces de l’ordre, suite aux émeutes déclenchée­s par le décès d’Adama en juillet 2016. Yacouba est en prison pour « violences en réunion ». Assa Traoré dénonce un harcèlemen­t qui vise à « abattre [sa] famille, psychologi­quement ».

4 LIVRE

« Lettre à Adama » vient de paraître aux éditions du Seuil. Ecrit avec notre amie Elsa Vigoureux, ce journal de neuf mois, poignant et engagé, est un « J’accuse… ! ». « Une vie ne s’éteint jamais, elle est prolongée par une autre », écrit Assa. Les bénéfices tirés de l’ouvrage seront entièremen­t reversés au combat judiciaire.

5 ÉDUCATRICE SPÉCIALISÉ­E

Assa Traoré a trouvé sa voie en classe de CM2, quand son institutri­ce a demandé à des éducatrice­s de la protection judiciaire de la jeunesse de venir présenter leur métier. « Je me suis dit que c’était ce que je voulais faire, moi aussi. OEuvrer pour tenter de sortir les plus abîmés, les plus démunis, des filets de toute misère. » En 2007, Assa décroche son diplôme. Elle travaille à Sarcelles. Un engagement qui « panse les plaies, au mieux, mais ne règle pas le problème des quartiers populaires délaissés ».

6 CHARISME

Assa Traoré ne cède pas aux larmes. Elle veut faire de « la dignité une discipline ». Etre une femme, elle sait que « ça compte en termes d’image ». Consciente qu’elle représente « cette part d’exotisme auquel le refoulé colonial reste attaché ».

7 SOUTIENS

D’Omar Sy, Mathieu Kassovitz, Zebda, Eric Fassin, Geoffroy de Lagasnerie, à Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot en passant par le député socialiste Pouria Amirshahi ou les rappeurs Youssoupha et Kery James, le nom d’Adama Traoré est devenu celui d’une cause. En juillet un éditorial du « New York Times », consacré à l’affaire, titrait « La vie des Noirs comptent aussi en France ».

8 FILLE D’IMMIGRÉS

Issue d’une famille d’origine malienne, Assa Traoré porte le combat de son frère. Et, derrière lui, celui aussi des « Arabes et des Noirs », habitants des quartiers populaires pour qui « le seul visage de la police est celui des forces d’interventi­on ». Elle dénonce un pouvoir qui traite ses « frères » comme « des ennemis de l’intérieur ».

9 COMITÉ

Derrière Assa, les jeunes de Beaumont-sur-Oise, ses frères et soeurs et quelques militants constituen­t les forces vives du comité Adama. Rassemblem­ents, concerts, barbecue... La mobilisati­on du collectif ne faiblit pas. Sa devise : « Sans justice, vous n’aurez jamais la paix. »

10 AVOCAT

Yassine Bouzrou est un pénaliste qui s’est fait une spécialité des dossiers mettant en cause les forces de l’ordre ou l’Etat. Assa Traoré a vite compris que la position des familles de victimes de violences policières n’est jamais acquise, « mais niée, sans cesse rappelée au caractère illégitime de sa démarche ». Bouzrou s’est employé, ces dix derniers mois, à éteindre les contre-feux de la justice : Adama Traoré n’avait pas d’infection, il n’était pas cardiaque, ni alcoolique.

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