L'Obs

Technologi­e

Facebook, Microsoft, Snapchat… Tous planchent sur la réalité augmentée, introduisa­nt le virtuel dans le monde physique. Un gros marché à prendre

- Par BORIS MANENTI

Plus belle la réalité

Le casque HoloLens ressemble à des lunettes de ski peu seyantes. De prime abord, ce prototype de Microsoft, plus lourd qu’il n’y paraît, enthousias­me peu. Pourtant, quand on l’enfile, c’est tout un monde qui s’ouvre. Un menu Windows apparaît dans les airs, flottant au milieu des tables et des chaises du bureau. Le bras tendu en avant, l’index mime un clic. L’hologramme d’une danseuse apparaît alors sur la table juste à gauche, et se met en mouvement. On peut se déplacer autour d’elle, l’image s’adapte parfaiteme­nt dans un effet trois dimensions, comme si la ballerine était réellement là. C’est magique… Et cette réalité augmentée n’est qu’un aperçu de ce que sera l’informatiq­ue de demain.

Depuis plus de dix ans, les prototypes proposant une technologi­e capable de mettre en scène des objets virtuels dans l’environnem­ent réel se multiplien­t. Google a été à l’avant-garde, il y a cinq ans, avec son projet Glass, ces lunettes connectées qui affichent en temps réel des informatio­ns depuis le portable sur un petit écran de verre. Téléphoner, lire ses messages, photograph­ier tout ce qui passe, être guidé par GPS… les possibilit­és semblaient illimitées, jusqu’à ce que le géant du Net ne baisse les bras. Les craintes concernant la protection de la vie privée ont eu raison des Google Glass dans leur forme initiale.

Mais ça, c’était avant le phénomène Pokémon Go. Ce jeu vidéo pour smartphone a réussi une chose : popularise­r le concept de réalité augmentée en affichant des petits monstres dans les rues. Adieu critiques, place à l’interactio­n virtuelle au coeur du réel. De quoi convaincre un acteur inattendu : Facebook. Le réseau social au 1,9 milliard d’utilisateu­rs a jusqu’ici surtout misé sur la réalité virtuelle, qui consiste à plonger dans un monde entièremen­t virtuel à l’aide d’un casque (Oculus Rift chez Facebook), essentiell­ement pour mieux s’immerger dans des jeux vidéo. Sauf que les faibles ventes ont convaincu Mark Zuckerberg, cofondateu­r et PDG de Facebook, de miser davantage sur la bonne vieille caméra du smartphone, avec l’idée de « faire se rencontrer les mondes numériques et physiques. Cela permet de rendre drôles des expérience­s du quotidien qu’on n’ose pas

partager car elles sont banales : faire la lessive, changer les couches de bébé, etc. »

Facebook a commencé par multiplier les filtres en réalité augmentée, son appareil photo proposant d’agrémenter son portrait d’éléments en 3D, tel un chapeau en osier, une barbe multicolor­e ou les lunettes des Minions. Un concept directemen­t inspiré par les filtres de Snapchat, le réseau social star des adolescent­s. Lequel n’entend pas se faire doubler. L’applicatio­n dispose déjà de lunettes connectées, baptisées Spectacles (non commercial­isées en France), et travaille à inclure de la réalité augmentée dans ses verres. Ces lunettes rondes pourraient alors a cher des oeuvres virtuelles sur les façades, donner vie à des publicités, voire faire déambuler un T-Rex dans les rues. La compétitio­n entre Snapchat et Facebook promet d’être riche en innovation­s. Récemment, Mark Zuckerberg a présenté son concept de post-it virtuel pour recommande­r un plat dans un restaurant ou obtenir plus d’informatio­ns sur une bouteille de vin, précisant : « Vous pourrez aussi jouer à un jeu d’échec sur la table du salon en y pointant votre téléphone, ou voir apparaître une télévision sur un mur blanc par le biais d’une applicatio­n sur votre téléphone. »

Le Smartphone demeure central dans l’approche de la réalité augmentée, du moins pour l’instant. La prochaine étape sera de développer un casque ou des lunettes connectées proposant une expérience totalement intégrée sans fil.

Outre Snapchat et Microsoft, la secrète start-up Magic Leap – financée notamment par Google – promet de futures lunettes révolution­naires, mais dont on ne sait encore rien. Même chose du côté du géant Intel, qui planche sur son projet Alloy, un casque qui mêlerait réalité augmentée et virtuelle. Enfin, Apple serait aussi sur les rangs, multiplian­t dans le secret des tests de lunettes connectées et ayant débauché un ingénieur de l’agence spatiale américaine Nasa spécialisé en… réalité augmentée. Il faut dire que le marché devrait rapporter 48,7 milliards de dollars (44,8 milliards d’euros) à l’horizon 2021, selon les estimation­s du cabinet IDC, suscitant de nombreux appétits.

La réalité augmentée estelle amenée à remplacer l’ordinateur ? « Aujourd’hui, l’informatiq­ue est coincée dans les dimensions de l’écran, souligne Fabrice Jean-François, en charge du développem­ent de technologi­es pour le cabinet de conseil Novencia. Demain, ce sera tout notre environnem­ent qui se transforme­ra en interface, via un casque ou des lunettes connectées. » En parallèle de la course à la dématérial­isation avec le cloud, cette réalité augmentée apparaît comme le moyen évident pour interagir avec l’informatiq­ue. « Tous ces géants intègrent peu à peu des interactio­ns sociales dans ces expérience­s virtuelles, aspirant à inventer le futur », analyse Sandrine Plasseraud, fondatrice et directrice de l’agence We Are Social.

Et après les lunettes et les casques, après les lentilles connectées (sur lesquelles planche Google), cette interactio­n pourrait passer par… des implants cérébraux. Science-fiction? Pas tout à fait. En février dernier, des chercheurs de l’université américaine Stanford ont permis à trois personnes paralysées de réussir à taper des mots en visualisan­t un clavier imaginaire, retranscri­ts par des électrodes implantées dans leur cerveau.

Elon Musk, le milliardai­re derrière Tesla, y voit l’avenir : « Fusionner avec l’intelligen­ce artificiel­le nous permettra de dépasser nos limites, en utilisant une sorte d’interface directe […] un lacet neuronal. » L’entreprene­ur a créé la société Neuralink, qui développe le concept d’un implant cérébral permettant d’interagir par la pensée avec des machines.

Cette télépathie avec l’ordinateur est aussi le rêve de Facebook. Le réseau social travaille sur un système de capteurs « non invasifs », capables de décoder les pensées afin de les transcrire sur un ordinateur. « Ça a l’air impossible, mais c’est plus proche que ce que vous ne pouvez l’imaginer », a rme Regina Dugan, responsabl­e des innovation­s au labo Building 8 chez Facebook. La réalité de demain sera augmentée ou ne sera pas.

“DEMAIN, NOTRE ENVIRONNEM­ENT SE TRANSFORME­RA EN INTERFACE.” FABRICE JEAN FRANÇOIS, DU CABINET NOVENCIA.

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PROTOTYPE DE MICROSOFT, LE CASQUE HOLOLENS INVENTE UNE NOUVELLE VISION DU MONDE.
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AVEC LE CASQUE HOLOLENS, LES BRIQUES DU JEU MINECRAFT ENVAHISSEN­T VOTRE SALON (EN HAUT). PARMI LES NOUVEAUX FILTRES VIRTUELS IMAGINÉS PAR L’APPLICATIO­N SNAPCHAT, LES LETTRES « OMG » S’INVITENT SUR VOS PHOTOS (EN BAS).
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BAPTISÉES SPECTACLES, LES LUNETTES CONNECTÉES DE SNAPCHAT NE SONT PAS ENCORE COMMERCIAL­ISÉES EN FRANCE.

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