L'Obs

Passé/présent

De Louis-Napoléon Bonaparte à François Hollande, que sont devenus les chefs d'Etat à l’issue de leur mandat?

- Par FRANÇOIS REYNAERT

Après l’Elysée

Alors que les projecteur­s sont tournés vers le nouveau président, qui s’avance, prenons un instant pour suivre l’ancien, qui s’efface. On ignore encore avec précision ce que va faire M. Hollande. Tout juste peut-on constater qu’il rejoint, dans l’Histoire, la longue cohorte des vingt-trois qui l’ont précédé à l’Elysée. Trois – MM. Giscard, Chirac et Sarkozy – sont toujours de ce monde. Les autres l’ont quitté depuis longtemps. Cela n’empêche pas d’étudier leur exemple pour comprendre comment, avant, on a géré la vie d’après.

Ecartons les cas spécifique­s. Louis-Napoléon Bonaparte, élu en décembre 1848, est le premier à porter le titre de président de la République française, mais il le piétine trois ans plus tard en faisant le coup d’Etat qui met le pays sur le chemin de l’Empire.

Passons aussi sur les malheureux morts en fonction. Deux furent assassinés. Sadi Carnot, en 1894, par un anarchiste italien lors de l’Exposition de Lyon. Paul Doumer, en 1932, par un Russe blanc déséquilib­ré lors d’une visite à un salon des écrivains de la Grande Guerre. Georges Pompidou s’éteignit en 1974 des suites d’une longue maladie. Félix Faure en 1899 après une courte extase. Il succomba à une congestion cérébrale lors d’un rendez-vous que l’on dit galant avec sa maîtresse. Cela ne le priva pas d’obsèques nationales, mais son cercueil fut enseveli sous autant de fleurs que de bons mots. Le plus célèbre est attribué à Clemenceau : « Il s’était cru César. Il est mort Pompée. »

Tordons le coup à une légende. Deschanel, aux commandes durant sept petits mois en 1920, n’était pas fou. Il tomba bel et bien d’un train en pyjama mais, contrairem­ent à ce que l’on entend encore, il ne se baigna jamais avec les canards dans le bassin de l’Elysée ni ne signa des papiers officiels du nom de Vercingéto­rix. La chute est sans doute liée à un épisode dépressif, et le reste à la perfidie des commentate­urs: Deschanel avait eu le malheur d’être élu contre Clemenceau, crime de lèse-majesté impardonna­ble pour les dévots du Tigre. Quelques mois après son retrait de la présidence pour raisons de santé, l’homme politique, orateur réputé, redevint d’ailleurs sénateur mais il ne put l’être longtemps. Il mourut de pleurésie en 1922.

Ecartons enfin ceux qui furent emportés par le grand vent des circonstan­ces. Albert Lebrun, tenté de passer à autre chose après un premier septennat (1932-1939), se laisse embarquer pour un second, à cause des périls qui menacent la France. Lors de la débâcle de 1940, il est partisan de continuer la lutte en Afrique du Nord mais, faute d’appui chez les militaires, il cède à la meute de défaitiste­s qui l’entoure et, le 16 juin, demande à Pétain de former le gouverneme­nt. Il reste donc l’homme qui a fait entrer le loup factieux dans la bergerie républicai­ne.

Comme Lebrun enterra la IIIe, Coty, en faisant appel, fin mai 1958, au « plus illustre des Français » pour résoudre la crise algérienne, eut le délicat privilège de clore la suivante. De Gaulle lui en sut gré. C’est pour remercier son prédécesse­ur, lit-on souvent, que la Constituti­on qu’il mit en place accorde aux anciens locataires de l’Elysée un siège au Conseil constituti­onnel.

Reste donc ceux que l’on pourrait appeler les « ex » de modèle standard. Pour une partie d’entre eux, la fin du mandat ne signe en rien un départ à la retraite. Poincaré, qui fut président pendant la guerre (1913-1920), est rappelé à la tête du gouverneme­nt en 1922, puis à nouveau en 1926 pour sauver le franc, au bord de l’effondreme­nt. Doumergue, qui a quitté l’Elysée en 1931, revient fissa à Matignon après les émeutes du 6 février 1934 pour tenter un cabinet d’union nationale.

D’autres tournent la page. Casimir-Perier (président en 1894) est si déprimé de n’avoir rien à faire qu’il démissionn­e de son poste au bout de quelques mois et se lance dans les affaires. Les autres jouissent d’un repos qu’ils estiment sans doute bien mérité. Emile Loubet quitte la présidence en 1906 et meurt vingt-trois ans plus tard. Son successeur Fallières, pourtant fort populaire, choisit aussi de goûter aux charmes de sa maison du Sud-Ouest sans briguer un second mandat. On lui prête cette formule délicieuse : « La place est bonne mais il n’y a pas d’avancement. »

A l’issue d’une vie bien remplie, De Gaulle n’en attendait plus guère. Remis en selle en Mai-68 après avoir songé à abandonner, il démissionn­e brutalemen­t un an plus tard, au lendemain de l’échec du référendum qu’il avait convoqué. Pour ne pas troubler le cours de la présidenti­elle qui s’engage aussitôt, il décide de voyager à l’étranger mais veut un pays neutre. Ce sera l’Irlande, avec ses grandes plages venteuses propices à la méditation sur les aléas des destinées humaines. L’année suivante, il choisit l’Espagne, ses paysages, son soleil de plomb, ses cathédrale­s et ses monastères mais aussi, ce qui est plus navrant, sa poignée de main au dictateur Franco. Elle fait tousser à Paris, même chez ses thuriférai­res, ce que le grand homme ne comprend pas. Sitôt revenu à Colombey, il songe à un voyage en Chine. La mort, qui le cueille le 9 novembre 1970, face à son jeu de patience quotidien, ne lui en laisse pas le temps.

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