QUAND ÉDOUARD PHILIPPE PRENAIT LA PLUME...
On l’a compris dès son discours lors de la passation de pouvoir : le nouveau Premier ministre, ancien élève d’hypokhâgne, a le goût des mots et le sens de la formule. Avec son ami Gilles Boyer, il est l’auteur de deux romans dans lesquels tous les coups sont permis en politique. Coups fourrés, trahisons, fraudes massives lors d’une élection primaire… Evidemment toute ressemblance n’est pas forcément fortuite. Dans « l’Heure de vérité » (Flammarion, 2007), il dresse par exemple ce portrait d’un personnage : « Il incarnait physiquement le Sénat et était à son image : vieux et tranquille à l’extérieur, méchant et impitoyable à l’intérieur. » Le héros du récit s’interroge aussi sur la situation politique du pays, avec des accents pré-macroniens : « Plus j’avance en politique, et plus je me rends compte que cette opposition droite/gauche est bien fragile. » Quant à sa nouvelle demeure, Edouard Philippe la décrit ainsi à l’époque avec son coauteur : « Matignon est une forme d’enfer. Une forme dorée convoitée par beaucoup et satisfaisante pour l’ego. Mais c’est un enfer. Tout y arrive, tout y converge. » Dans leur deuxième roman, « Dans l’ombre » (JC Lattès, 2011), le narrateur, un apparatchik dévoué corps et âme à son patron, un candidat en campagne, juge ainsi un de ses collaborateurs débutants, dans un passage cynique qui froissera sans doute les helpers d’En Marche ! : « Les jeunes pensent toujours qu’avant eux, il ne s’est rien passé de notable. […] Lorsque leur ego est surdimensionné, lorsqu’ils pensent qu’ils sont nés pour exercer les plus hautes fonctions, et ça arrive assez souvent, alors ils croient carrément qu’ils vont transformer le milieu, qu’ils vont “faire de la politique autrement” et qu’ils vont réussir la synthèse entre la proximité, l’intelligence, le sens de l’intérêt général et le sens de l’humour. » Savoureux.