L'Obs

Banque Au secours, la dérégulati­on financière revient ! Par Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE

Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, met en garde les gouverneme­nts contre la tentation de relâcher les règles qui encadrent la finance. L’économiste se félicite de la fenêtre politique qui s’ouvre pour réformer l’Europe

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Aux Etats-Unis, le pouvoir exprime la volonté de revenir sur les réglementa­tions bancaires mises en place après la crise financière de 2008. La Grande-Bretagne a cette tentation dans le cadre du Brexit. En France, Emmanuel Macron a lui aussi jugé qu’on était allé trop loin. Est-ce une menace pour la stabilité des systèmes financiers ? Oui, la menace existe. On voit poindre, un peu partout, des tentations de revenir sur la régulation financière adoptée par les pays du G20. C’est un chantier immense : nous avons renforcé les exigences en capitaux propres et en liquidité des banques, limité leur taille, encadré des produits potentiell­ement dangereux, comme les produits dérivés, et commencé à remettre de l’ordre dans ce qu’on appelle la « finance de l’ombre », celle qui ne passe pas par les banques. Que l’industrie financière n’apprécie guère ces nouvelles règles n’a rien de surprenant. Les grandes banques expliquent que cela freine le crédit et que cela augmente le coût du capital. Mais ce n’est pas vrai dans la zone euro, et moins encore en France. Les banques ont considérab­lement renforcé leur niveau de capital depuis 2010 et, pourtant, elles n’ont jamais autant prêté, à des taux qui n’ont jamais été aussi bas.

La tentation de moins-disant réglementa­ire existe dans n’importe quelle industrie, mais elle est plus forte encore dans la finance. Il a fallu une énergie politique énorme de la part des chefs d’Etat et de gouverneme­nt, après la crise financière, pour ne pas y céder. Mais dès que cette volonté politique faiblit, la tentation du nivellemen­t par le bas revient. C’est le cas aux Etats-Unis, même si pour l’instant, au G7 comme au G20, la nouvelle administra­tion n’a pas exprimé de désir de revenir en arrière sur la coopératio­n financière, ce qui est rassurant. Emmanuel Macron lui aussi a déclaré qu’il voulait revenir sur certaines règles bancaires, notamment sur le niveau requis de fonds propres. Sa déclaratio­n procédait d’une bonne intention : faciliter le financemen­t des PME. Mais il y a d’autres instrument­s pour cela. Il serait utile qu’une fois par an les ministres de l’Economie et des Finances de l’UE examinent l’impact de la régulation sur le financemen­t des entreprise­s. Mais cela ne doit pas être prétexte à un détricotag­e de ce qui a été fait au niveau internatio­nal. Le pouvoir des technocrat­es sur ces questions n’est-il pas devenu trop important ? Les accords du Comité de Bâle, qui réunit les banques

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