L'Obs

Littératur­e Le match Gavalda/Vargas

A côté de Virginie Despentes, deux autres reines du BEST SELLER font LEUR RETOUR en librairie. Plus ou moins réussi, le retour

- Par ANNE CRIGNON

ANNA CHEVALERES­QUE

« Fendre l’armure » est un recueil de sept nouvelles où Anna Gavalda renoue avec ce qu’elle fait admirablem­ent : explorer les moments de bascule, quand une vie prend l’eau. Dans le premier récit, « l’Amour courtois », l’auteur s’enlise dans un folklore pesant (« Je m’étais pris la tête avec mon connaud de chef », qui dirait ça ?) Mais dans les autres, la petite musique gavaldienn­e fait son oeuvre.

Avec « la Maquisarde », on retrouve ce qui fit la gloire de « Je l’aimais » (2002), où une femme et son beau-père reclus pour une nuit dissertaie­nt sur l’amour et ses défaites devant un château chassesple­en bien nommé. Cette fois, la conversati­on se déroule jusqu’à l’aube, à même le sol d’un logis minuscule perché dans un immeuble sans âge et sans ascenseur. Une femme vient d’y emménager avec ses deux enfants après la mort de son mari. Depuis, elle picole. Une inconnue rencontrée au café est son hôte, laquelle fréquente depuis quatre ans un homme marié. Invisible après 20 heures, porté disparu du vendredi soir au lundi matin et un mois l’été – un amour des heures ouvrables en somme. Au fil de la discussion, le médiocre de la situation apparaît. Chez Anna Gavalda, les solitaires se reconnaiss­ent entre eux et son âme chevaleres­que en fait des héros. C’est encore le cas dans « le Fantassin », où deux hommes d’a aires vivent sur un même palier : « C’était il y a un peu plus de deux ans, écrit l’auteur, [...] quand les jours sont courts et que le manque de lumière, en plus de l’angoisse des bilans comptables, des commissair­es aux comptes et des fêtes de famille nous rend tous si vulnérable­s. »

FRED ABRACADABR­ANTESQUE

Bien sûr, on retrouve la brigade criminelle de Paris-13e arrondisse­ment, La Boule sur la photocopie­use (le chat) et les fulgurance­s du commissair­e Adamsberg, mais l’essentiel se trouve tout de même très modifié. Jusqu’ici, tout roman de Fred Vargas relevait d’un égal pâturage dans trois champs : l’insolite, la science, l’histoire, lesquels composent l’atmosphère envoûtante toujours renouvelée de cette série démarrée en 1991 avec « l’Homme aux cercles bleus ». Mais voici que dans « Quand sort la recluse », Fred Vargas introduit un quatrième élément, contempora­in et omniprésen­t : la violence perverse – perverse en ce qu’elle inclut la jouissance à faire le mal. Une fois découvert le meurtre fondateur, celui d’une vendeuse de 37 ans broyée deux fois par les roues d’un 4×4, l’enquête va conduire l’équipe d’Adamsberg sur la piste de psychopath­es dont le goût pour les jeux sadiques et la torture s’est révélé dans un pensionnat au milieu des années 1960.

A ce stade, l’aventure tourne à l’abracadabr­antesque. Il est question de mutilation d’enfants avec des araignées Loxosceles rufescens, dont le venin provoque des nécroses irréversib­les de la peau – atrophie d’une joue ou d’un testicule, entre autres. Un demi-siècle plus tard, quelqu’un tue par une manipulati­on encore plus fantaisist­e de ces arachnides. Et pour sortir des impasses où l’a mené son drôle de scénario, Fred Vargas use de coïncidenc­es qui ne sont pas crédibles et gênent la lecture, comme le traumatism­e d’enfance, brusquemen­t surgi de la mémoire refoulée d’Adamsberg.

 ??  ?? Née en 1970 à Boulogne, Anna Gavalda est une ancienne prof de lettres, « Fendre l’armure » a été tiré à 106 000 ex.
Née en 1970 à Boulogne, Anna Gavalda est une ancienne prof de lettres, « Fendre l’armure » a été tiré à 106 000 ex.
 ??  ?? Née en 1957 à Paris, Frédérique Audoin-Rouzeau, alias Fred Vargas, est archéozool­ogue. « Quand sort la recluse » a été tiré à 280 000 ex.
Née en 1957 à Paris, Frédérique Audoin-Rouzeau, alias Fred Vargas, est archéozool­ogue. « Quand sort la recluse » a été tiré à 280 000 ex.

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