L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Tout se passe comme prévu? Depuis son accession à la tête de l’Etat, le nouveau président semble dérouler son plan de route et se jouer des embûches avec la chance du (faux) débutant. La nomination du Premier ministre, la compositio­n du gouverneme­nt ou encore les investitur­es pour les législativ­es ont rempli leur office, en donnant le tournis à la gauche, à la droite, et pour finir à tout le monde. Les commentate­urs, déboussolé­s eux aussi, font la liste de toutes les raisons de ne pas y croire. Ici on rappelle les amabilités qu’échangeaie­nt les nouveaux marcheurs du président il y a encore peu de temps, là on recense d’inévitable­s désaccords, là encore on pronostiqu­e d’inéluctabl­es démissions. En vain, pour le moment…

Il faut reconnaîtr­e que le nouveau locataire de l’Elysée a forgé des règles d’airain pour son équipe, ou plutôt une chape de plomb. « Collégiali­té, solidarité, confidenti­alité », répètent en choeur ses ministres, le petit doigt sur la couture du pantalon. Pour avoir observé de près les errements du quinquenna­t Hollande et d’un peu plus loin les excès de l’ère Sarkozy, Emmanuel Macron sait que les premières heures d’un quinquenna­t donnent souvent la couleur de la suite et qu’il n’a pas le droit au moindre faux pas. Cela vaut pour l’avenir, s’il veut réussir à réconcilie­r et réformer la France. Cela vaut surtout pour maintenant, s’il veut pouvoir décrocher une majorité à l’Assemblée nationale dans moins d’un mois.

Contrairem­ent à ses prédécesse­urs, lui ne peut pas se contenter de miser sur l’effet de souffle qui suit d’ordinaire l’élection présidenti­elle. Il lui faut convaincre les Français, et vite, de poursuivre cette aventure inédite. Et apporter la preuve que cet attelage étonnant, fait de compétence­s techniques mais de bric et de broc politique, tient la route y compris par gros temps.

La future réforme du Code du Travail sera-t-elle le grain de sable qui viendra enrayer cette belle mécanique ? Le terrain est miné depuis les débats houleux sur la loi El Khomri et une partie de la gauche, on le sait, a déjà choisi d’en faire un troisième tour social. Le problème en l’espèce ne viendra pas du CV de la nouvelle ministre du Travail, passée par la DRH de grands groupes, ni même de celui de son directeur de cabinet, issu des rangs du Medef, mais bien de la portée du texte. Car Emmanuel Macron, sur ce sujet, veut une révolution. Sur la forme d’abord : le nouveau président estime que les partenaire­s sociaux, prisonnier­s de leurs intérêts particulie­rs, ne sont pas forcément les meilleurs garants de l’intérêt général. Ce n’est pas faux si on regarde le taux de syndicalis­ation, mais c’est une rupture historique avec la présomptio­n de représenta­tivité qui leur a été conférée depuis soixante-dix ans. Sur le fond ensuite : il considère que les transforma­tions de notre économie vont contraindr­e les employeurs à remodeler sans cesse leurs effectifs, et les salariés à adapter leur carrière en conséquenc­e. A charge pour l’Etat d’universali­ser la prise en charge de ce risque, que ce soit par le biais de l’indemnisat­ion ou de la formation. Les Français, qui ont vu depuis des décennies les offres se raréfier et les allocation­s fondre, sont sans doute prêts à dépasser leur méfiance et à comprendre le raisonneme­nt. A condition toutefois qu’on prenne le temps de le leur expliquer, autrement que dans un débat expédié au Parlement.

“MACRON A FORGÉ DES RÈGLES D’AIRAIN POUR SON ÉQUIPE, OU PLUTÔT UNE CHAPE DE PLOMB.”

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