L'Obs

Dans les colonies de la discorde

Voyage sur la route 60, qui traverse la Cisjordani­e du nord au sud. Sur cet axe se concentren­t ces implantati­ons dont l’existence empêche la création d’un Etat palestinie­n indépendan­t

- De notre correspond­ant HADRIEN GOSSET-BERNHEIM Photograph­ies de YONATHAN WEITZMAN pour “l’Obs”

Il y a cinquante ans, lors de la guerre de SixJours, Israël écrasait les armées de quatre pays arabes coalisées et prenait le contrôle de la Cisjordani­e. Ce retour dans Jérusalem et la Judée-Samarie biblique mettait fin à un hiatus de deux mille ans, estimaient alors Israéliens de gauche comme de droite. Mais, dans l’euphorie de la victoire, c’est un gouffre qui s’ouvre en réalité devant eux. Fallait-il abandonner ce cadeau empoisonné à ses habitants palestinie­ns ou, au contraire, l’annexer une bonne fois pour toutes, quitte à mettre en péril la majorité juive de l’Etat?

Pour ne pas avoir voulu choisir, Israël a laissé le sionisme religieux, l’idéologie au coeur du mouvement des colonies, décider pour lui. Ils sont ainsi aujourd’hui plus de 400000 juifs à vivre de l’autre côté de la ligne verte, la frontière qui séparait Israël de la Jordanie jusqu’en juin 1967. Une présence unanimemen­t dénoncée par la communauté internatio­nale, qui divise la société israélienn­e et qui joue un rôle central dans le long conflit avec les Palestinie­ns.

Depuis les accords d’Oslo en 1993, le principe d’un partage dans lequel les grands blocs de colonies regroupés autour de Jérusalem resteraien­t sous contrôle israélien en contrepart­ie d’un échange de terres a été pourtant acté par les dirigeants des deux camps.

Une solution a priori raisonnabl­e qui continue de buter sur un os. Une arête plutôt : la route 60, l’artère qui traverse la Cisjordani­e du nord au sud et le long de laquelle est disposé un chapelet de colonies isolées. A moins d’être démantelée­s, ces implantati­ons où vivent entre 100000 et 150000 juifs obèrent totalement la continuité territoria­le d’un futur Etat palestinie­n. Elles sont d’ailleurs là pour ça. D’autant que personne ne semble en mesure de forcer leurs habitants à en partir : disposant de solides relais à tous les niveaux de l’Etat, ils peuvent surtout compter sur l’indécision d’une opinion publique échaudée par la décennie de violences avec le Hamas qui a suivi l’évacuation de la bande de Gaza en 2005.

Et si la colonisati­on était désormais trop profondéme­nt installée pour permettre la création d’une entité territoria­le palestinie­nne cohérente et indépendan­te au côté de l’Etat hébreu? Donald Trump luimême, lors de sa récente visite dans la région, s’est d’ailleurs bien gardé de parler de « deux Etats »… Afin de comprendre leur enracineme­nt farouche, « l’Obs » a parcouru les colonies de la route 60, cette épée plantée dans le coeur du projet national palestinie­n.

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 ??  ?? En Cisjordani­e, comme ici près de la colonie de Beit El, tous les arrêts de bus de la route 60 sont protégés par des soldats et des plots destinés à arrêter les voitures-béliers, afin de prévenir les attentats.
En Cisjordani­e, comme ici près de la colonie de Beit El, tous les arrêts de bus de la route 60 sont protégés par des soldats et des plots destinés à arrêter les voitures-béliers, afin de prévenir les attentats.

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