Dans les colonies de la discorde
Voyage sur la route 60, qui traverse la Cisjordanie du nord au sud. Sur cet axe se concentrent ces implantations dont l’existence empêche la création d’un Etat palestinien indépendant
Il y a cinquante ans, lors de la guerre de SixJours, Israël écrasait les armées de quatre pays arabes coalisées et prenait le contrôle de la Cisjordanie. Ce retour dans Jérusalem et la Judée-Samarie biblique mettait fin à un hiatus de deux mille ans, estimaient alors Israéliens de gauche comme de droite. Mais, dans l’euphorie de la victoire, c’est un gouffre qui s’ouvre en réalité devant eux. Fallait-il abandonner ce cadeau empoisonné à ses habitants palestiniens ou, au contraire, l’annexer une bonne fois pour toutes, quitte à mettre en péril la majorité juive de l’Etat?
Pour ne pas avoir voulu choisir, Israël a laissé le sionisme religieux, l’idéologie au coeur du mouvement des colonies, décider pour lui. Ils sont ainsi aujourd’hui plus de 400000 juifs à vivre de l’autre côté de la ligne verte, la frontière qui séparait Israël de la Jordanie jusqu’en juin 1967. Une présence unanimement dénoncée par la communauté internationale, qui divise la société israélienne et qui joue un rôle central dans le long conflit avec les Palestiniens.
Depuis les accords d’Oslo en 1993, le principe d’un partage dans lequel les grands blocs de colonies regroupés autour de Jérusalem resteraient sous contrôle israélien en contrepartie d’un échange de terres a été pourtant acté par les dirigeants des deux camps.
Une solution a priori raisonnable qui continue de buter sur un os. Une arête plutôt : la route 60, l’artère qui traverse la Cisjordanie du nord au sud et le long de laquelle est disposé un chapelet de colonies isolées. A moins d’être démantelées, ces implantations où vivent entre 100000 et 150000 juifs obèrent totalement la continuité territoriale d’un futur Etat palestinien. Elles sont d’ailleurs là pour ça. D’autant que personne ne semble en mesure de forcer leurs habitants à en partir : disposant de solides relais à tous les niveaux de l’Etat, ils peuvent surtout compter sur l’indécision d’une opinion publique échaudée par la décennie de violences avec le Hamas qui a suivi l’évacuation de la bande de Gaza en 2005.
Et si la colonisation était désormais trop profondément installée pour permettre la création d’une entité territoriale palestinienne cohérente et indépendante au côté de l’Etat hébreu? Donald Trump luimême, lors de sa récente visite dans la région, s’est d’ailleurs bien gardé de parler de « deux Etats »… Afin de comprendre leur enracinement farouche, « l’Obs » a parcouru les colonies de la route 60, cette épée plantée dans le coeur du projet national palestinien.