L'Obs

de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Une éclaboussu­re ou une tache ? Quinze jours après son accession à l’Elysée, voilà donc Emmanuel Macron brutalemen­t confronté à ses principes. Porté par un profond désir de renouvelle­ment des visages et des pratiques politiques durant sa campagne, le nouveau président de la République aura-t-il la main qui tremble dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Richard Ferrand? A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’avenir du ministre de la Cohésion des territoire­s restait encore en suspens. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que, depuis les révélation­s du « Canard enchaîné » la semaine dernière, la découverte des petits arrangemen­ts pris tout au long de sa carrière par ce très proche du chef de l’Etat pose question.

Si la présomptio­n d’innocence doit évidemment demeurer un fondement de notre justice, l’exemplarit­é doit devenir un pilier de notre République. De ce point de vue, Richard Ferrand est un parfait exemple de ce que peut produire notre vie politique. Du mélange des genres entre la vie publique et la vie privée aux potentiels conflits d’intérêts, en passant par les retours d’ascenseur et les emplois familiaux, le député du Finistère n’a guère brillé par son originalit­é, ni son invention. Et pour le moment, le parquet n’a rien trouvé à redire à ses montages et autres combinaiso­ns.

Il n’empêche, Richard Ferrand, comme François Fillon avant lui dans un autre registre, symbolise tout ce que les Français ne peuvent plus voir en peinture chez leurs représenta­nts : le décalage, d’abord, entre le discours et les actes; l’appât du gain ensuite, qui pousse certains élus à recourir à tous les moyens imaginable­s pour améliorer leur quotidien ou celui de leurs proches; l’aveuglemen­t enfin, qui conduit les moins regardants, pris dans leurs contradict­ions, à feindre de ne pas comprendre où le problème réside.

C’est dire si le projet de loi de moralisati­on de la vie publique que présentera François Bayrou le 7 juin prochain est indispensa­ble. Non pour stigmatise­r les uns ou les autres, ni verser dans l’antiparlem­entarisme ou le poujadisme, mais pour en finir avec la défiance des citoyens à l’égard de leurs représenta­nts, qui nourrit les antisystèm­e et les extrêmes de tout bord. Cela passe par des règles claires sur les conflits d’intérêts, l’interdicti­on du népotisme, la transparen­ce des financemen­ts, le contrôle des dépenses. Cela passe aussi sans doute par une réflexion institutio­nnelle sur le cumul des mandats et des fonctions dans le temps, l’améliorati­on de la représenta­tion au Parlement et la promotion de la diversité dans notre classe politique. Encore une fois il ne s’agit pas là de céder à tel ou tel effet de mode ou de devenir du jour au lendemain une démocratie nordique, mais d’édicter un code de conduite simple et accepté par tous qui garantisse à chacun la possibilit­é de concourir à une élection, sans être forcément un baron local, mâle, blanc, de plus de 50 ans.

Ce n’est pas le moindre des défis qui attendent Emmanuel Macron. En se faisant élire alors qu’il n’était rien ou presque il y a seulement trois ans, le chef de l’Etat a fait souffler sur le pays et même au-delà un parfum d’espoir et d’optimisme. Espérons qu’il ne le laissera pas vicier par des relents de vieille politique.

“SI LA PRÉSOMPTIO­N D’INNOCENCE DOIT DEMEURER UN FONDEMENT DE NOTRE JUSTICE, L’EXEMPLARIT­É DOIT DEVENIR UN PILIER DE NOTRE RÉPUBLIQUE.”

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