L'Obs

La mode pour tous par Sophie Fontanel

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Vous allez voir en quoi le goût personnel d’une star est capital. Sofia Coppola, venue présenter son film à Cannes, a monté les marches sans robe longue, alors que toutes les actrices de son film en arboraient. Elle portait juste (si je puis dire) un tailleur Chanel haute couture noir, longueur genou. Sur ses hanches, de manière incongrue mais réussie, elle avait placé une broche Cartier, un bijou de famille d’après ce que j’en sais. Cette tenue, certes classique, n’est pas d’usage sur le red carpet, même pas sur celui de Cannes, moins psychorigi­de que celui des Oscars. C’est une tenue pour l’après-midi. Pas pour le soir. Seule Anna Mouglalis, alors débutante, avait déjà tenté le coup il y a des années de ça. Là, avec Sofia, nous avons une femme illustre, sur qui pèse une pression immense et qui, soudain, n’en fait qu’à sa tête. Elle avait vu ce tailleur cet automne au défilé Chanel Métiers d’Art, l’avait commandé en s’attachant, en fine connaisseu­se, à de multiples détails (longueur, matière) et avait déjà annoncé aux gens de Chanel, résolue : « Si mon film va à Cannes, je mettrai ça. » Et elle a fait comme elle avait dit. Elle ne savait pas si elle irait à Cannes, spectacle le plus regardé au monde, mais elle savait que, si elle y allait, ce tailleur y serait insolite. En effet, presque aucune femme n’a, à Cannes, cette audace particuliè­re de la désobéissa­nce. Et vous savez pourquoi? Parce que, pour oser, il faut avoir un goût parfait. Et c’est pas donné à tout le monde. Sofia Coppola, par exemple, n’a pas de personal stylist, personne n’a du goût « à sa place » ni « pour elle ». Elle « sait » par essence et par elle-même. Sofia Coppola est de cette trempe. Elle n’a besoin de personne pour être chic. Et n’allez pas croire que ça vienne de la fortune de ses parents : beaucoup de gens riches n’ont aucun goût. Non, elle est juste un cas rare de « star sachant s’habiller seule ». Il devrait y avoir une Palme rien que pour cette catégorie. Et n’allez pas non plus croire que, jadis, au temps du Grand Hollywood, plein de stars de cette sorte existaient. Non, c’était aussi rare qu’aujourd’hui, et il fallait ramer à la petite cuillère pour rendre beaucoup de ces dames un peu élégantes, apprend-on en lisant les bons livres. Bref, le raffinemen­t a toujours été une manne précieuse. Et quelque part, ça me fait plaisir que ça le reste. Comme un miracle.

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