L'Obs

Gouverneme­nt Sarnez, l’autre accroc?

Visée, comme d’autres députés européens, par une enquête préliminai­re sur la rémunérati­on de son assistante parlementa­ire, la ministre rame pour conquérir la onzième circonscri­ption de Paris

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Vous voyez, ce sonteça les vraies questions que les gens se posent ! » Marché du boulevard Edgar-Quinet, 14 arrondisse­ment de Paris. Marielle de Sarnez, suivie par une poignée de journalist­es, vole de concitoyen en concitoyen. La ministre des Affaires européenne­s parle crèches, écoles, et tente d’éviter le sujet qui perturbe sa campagne : l’enquête préliminai­re ouverte le 22 mars par le parquet de Paris contre elle et dix-huit autres députés européens pour des soupçons d’emploi fictif. « Je ne suis pas visée à titre individuel, tranche, agacée, la numéro deux du MoDem. Les Français savent que nous sommes honnêtes. »

Marielle de Sarnez, députée européenne depuis dix-huit ans, bataille aujourd’hui pour décrocher un siège à l’Assemblée nationale sous la bannière de La République en Marche. Elle se serait bien passée d’être, après Richard Ferrand, la deuxième ministre du gouverneme­nt visée par une enquête préliminai­re. Situation d’autant plus compliquée qu’elle est aussi depuis toujours au MoDem, et le bras droit de François Bayrou, aujourd’hui garde des Sceaux, porteur de la grande loi de moralisati­on des moeurs politiques.

C’est le Front national, premier parti à avoir été suspecté de faire rémunérer ses permanents par l’Europe, qui est à l’origine de ce nouveau front judiciaire. L’eurodéputé­e frontiste Sophie Montel a dénoncé ses collègues au procureur de la République de Paris. Les 350 pages de dossier qu’elle a envoyées désignent les assistants parlementa­ires qui sont également dans l’organigram­me de leurs partis respectifs. Parmi eux, Philippine Laniesse, 27 ans, vice-présidente du MoDem Paris, élue municipale du 19e arrondisse­ment de Paris, conseillèr­e régionale, et qui était aussi, jusqu’au 1er mai 2017, assistante parlementa­ire de Marielle de Sarnez.

« Philippine Laniesse a été embauchée pendant un an à trois quarts temps avec un contrat d’assistant local (1), indique Pierre Casanova, l’avocat de la ministre. J’ai versé plus de 200 pièces au parquet qui prouvent la réalité de son travail à Bruxelles. E-mail aux correspond­ants Europe, préparatio­n d’un dossier sur le Brexit… » Au Parlement européen, on confirme en effet que le contrat de la jeune femme a été « validé et vérifié en cours d’exécution ». L’affaire ne serait-elle donc qu’« un écran de fumée » dû à la malveillan­ce du FN, comme le clame Marielle de Sarnez ?

Ce n’est pas la première fois que des soupçons pèsent sur le MoDem. En 2014, dans son ouvrage « les Mains propres », l’avocate et ex du parti centriste Corinne Lepage avait écrit : « Lorsque j’ai été élue au Parlement européen en 2009, le MoDem avait exigé de moi qu’un de mes assistants parlementa­ires travaille au siège parisien. J’ai refusé […] mais mes collègues ont été contraints de satisfaire à cette exigence. Durant cinq ans, la secrétaire particuliè­re de François Bayrou a été payée… par l’enveloppe d’assistance parlementa­ire de Marielle de Sarnez. » C’était également le cas de la chef de cabinet du patron du MoDem.

Sophie Montel devait être entendue ces jours-ci par l’office anticorrup­tion de la police judiciaire (OCLCIFF). Marielle de Sarnez, qui a porté plainte contre l’eurodéputé­e frontiste, n’a, elle, toujours pas de rendez-vous avec les enquêteurs. En attendant, ses concurrent­s aux législativ­es se frottent les mains. Francis Szpiner, avocat et candidat LR, pointe, dans un sourire, les cafouillag­es du nouveau ministre de la Justice, François Bayrou. « Il a fait une première erreur en relayant sur Twitter le communiqué publié par Marielle de Sarnez pour se défendre, ce qui a indigné les magistrats. Il en a fait une deuxième en essayant de minimiser sa bévue. » Sur son compte Twitter, François Bayrou vient de supprimer ses nouvelles fonctions au gouverneme­nt. Il n’est plus « que » maire de Pau.

(1) Un député européen dispose d’une enveloppe de 24 164 euros pour des assistants « accrédités » à Bruxelles et des « locaux » affectés et basés dans leur Etat membre.

 ??  ?? « Les Français savent que nous sommes honnêtes. » Marielle de Sarnez balaie les accusation­s de l’élue frontiste à son encontre.
« Les Français savent que nous sommes honnêtes. » Marielle de Sarnez balaie les accusation­s de l’élue frontiste à son encontre.

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