L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Quelle majorité pour Emmanuel Macron ? Dans dix jours, le chef de l’Etat saura s’il bénéficie des pleins pouvoirs pour mener à bien son projet ou s’il lui faudra composer pour faire adopter ses textes au Parlement. Sondage après sondage, les instituts lui promettent déjà une razzia sur le Palais-Bourbon. Et les résultats du premier tour auprès des Français de l’étranger semblent conforter ces pronostics. Dans dix circonscri­ptions sur onze, les hommes et les femmes du président sont arrivés en tête, récoltant parfois plus de 50% des suffrages de cet électorat d’expatriés, parfois en décalage avec le reste de la population.

Tout glisserait-il sur ce nouveau président? L’affaire Ferrand? Sa blague douteuse sur les Comoriens ? La fuite sur la loi travail ? Rien ne semble l’atteindre jusqu’à présent… Comme si les Français préféraien­t porter le regard ailleurs, sur cette scène internatio­nale où le chef de l’Etat a fait une entrée aussi réussie que remarquée. Comme si après l’excitation sarkozyste et la gaucherie hollandais­e, ils éprouvaien­t le besoin de profiter du spectacle et de souffler un peu.

Une majorité omnipotent­e seraitelle pour autant forcément une bonne chose ? Elle donnerait à coup sûr au nouveau locataire de l’Elysée comme à son Premier ministre les moyens de gouverner et même de réformer la France. A condition toutefois d’en faire bon usage. Car de la majorité absolue à l’absolutism­e, il n’y a qu’un pas. On connaît les risques d’un pareil état de grâce : il peut conduire à prendre la grosse tête ou à passer en force, faisant fi de toute opinion différente. Cet écueil démocratiq­ue, que Tocquevill­e qualifiait en son temps de tyrannie de la majorité, a toujours existé dans notre pays où les modes de scrutin donnent tous les leviers au vainqueur d’une élection et ne favorisent guère la recherche de compromis intelligen­ts de part et d’autre. Mais de la part d’un pouvoir qui revendique une rénovation profonde de nos us et coutumes politiques, on serait en droit d’attendre autre chose.

Emmanuel Macron pourra toujours s’en défendre en expliquant que les compromis, il les gérera précisémen­t au sein de son gouverneme­nt et de sa future majorité, composés l’un et l’autre d’élus venus de tous horizons. Ce n’est pas faux. Mais y parviendra-t-il durablemen­t ? C’est l’autre risque d’une victoire trop écrasante. Quand la majorité est courte, elle est nécessaire­ment plus soudée, plus discipliné­e. Quand elle est large, elle permet les escapades et les flirts avec la ligne blanche. Elle donne alors naissance à des minorités dans son giron, parfois plus virulentes que celles qui s’époumonent sur les bancs de l’opposition. François Hollande en a fait l’amère expérience. Pour s’être vus trop puissants, les socialiste­s, qui contrôlaie­nt tous les pouvoirs au lendemain de son élection, se sont divisés partout et sur tous les sujets, pour finir par tout perdre ou presque au bout de cinq ans.

“TOUT GLISSERAIT-IL SUR CE NOUVEAU PRÉSIDENT ? L’AFFAIRE FERRAND ? SA BLAGUE DOUTEUSE SUR LES COMORIENS ?”

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