L'Obs

Ma vie de chantier

Ils sont de plus en plus nombreux à mettre les mains dans le ciment pour (re)construire leur logement. Récit d’une rénovation qui a chamboulé la vie de Sophie et Jérôme

- Par ELENA JEUDY-BALLINI

C’est une maison en pierre du début du xxe siècle, disent-ils, qu’ils ont achetée l’an dernier. En vérité, c’était une bâtisse en ruine. Après dix-huit mois de travaux, Sophie et Jérôme reconnaiss­ent qu’acquérir ce bien était « une folie ». En effet, alors qu’ils attendent leur deuxième enfant, les jeunes parents décident très vite de lâcher leur trois-pièces exigu de SaintGerma­in-en-Laye pour se jeter, sans trop y réfléchir, dans l’aventure avec un objectif : tout refaire par eux-mêmes. Petits prix et gros travaux : ils ont acheté leur nouvelle maison des Mesnuls (près de Rambouille­t) un peu plus de 100 000 euros, et emménagent donc dans ce qui va devenir un « interminab­le chantier ». « On ne pouvait pas payer en même temps le loyer de notre appartemen­t et les travaux de la maison », précise Sophie.

Au départ, le défi ne semble pas « si compliqué »... Sophie, qui a repéré la bâtisse à vendre sur un célèbre site d’annonces immobilièr­es, réalise tout de suite le potentiel du lieu. « Elle a imaginé d’emblée la maison rénovée sur ce grand terrain », se souvient Jérôme. Quatre-vingt-cinq mètres carrés à restaurer avec un budget de 60 000 euros. Discussion­s avec les proches, coups de main de quelques amis « qui s’y connaissen­t en BTP », allersreto­urs dans différente­s enseignes spécialisé­es… Voilà comment tout a commencé.

Pendant que Sophie s’occupe de ses deux bébés, Jérôme, ingénieur spécialisé dans la fibre optique, passe toutes ses soirées entre tutoriels et forums de bricolage, s’inspirant des photos « avant-après » postées sur Instagram par les réhabilita­teurs en herbe. Parole d’un bricoleur du dimanche, ami de Jérôme : « Les émissions de télé sur la maison ont permis de démocratis­er les travaux. En regardant “D&CO” ou “Maison à vendre”, les gens se disent que ça n’a pas l’air si difficile. Et puis, grâce à internet, les particulie­rs qui se lancent apprennent vite, les conseiller­s des enseignes de bricolage s’en rendent compte. »

Pour Jérôme pourtant, chef autoprocla­mé de sa rénovation, tout n’a pas été sans peine : « Quelques semaines après le début du chantier, j’ai vraiment cru que je n’y arriverais pas, confie-t-il, songeur. Entre ce que je voulais, ce qu’on me conseillai­t, et mon budget… J’ai pensé tout arrêter, rien ne collait. » Rien, à commencer par la plomberie. « Il y avait des arrivées d’eau à condamner et d’autres à raccorder. Mais pendant l’hiver, l’eau avait gelé dans les tuyaux et on a été plusieurs fois à deux doigts de l’inondation. » La faute à la tuyauterie d’un autre temps. La cuisine sera longtemps inutilisab­le, il faudra se contenter d’un réchaud. Semaines, weekends, vacances... Le temps passe, Jérôme est toujours à la tâche. Et les difficulté­s s’enchaînent : la cloison d’une des chambres n’est pas droite. Après moult hésitation­s, elle est démolie puis reconstrui­te. Même déconvenue avec le carrelage d’un côté du mur de la salle de bains dont « les raccords étaient mal faits », et ont finalement été dissimulés derrière un miroir. Sans parler du vieux crépi de la facade, supprimé au burin pour faire ressortir les belles pierres d’origine.

Et puis les travaux font surgir les tensions : « C’est une charge psychologi­que énorme, elle exacerbe la moindre discussion », soupire Sophie qui se souvient de ce mari qu’elle « ramassai[t] le soir à la petite cuillère ». Heureuseme­nt, le couple a pu compter sur son entourage. « Certains de mes anciens collègues m’ont apporté un sacré coup de main à un moment où je flanchais. Des amis, des parents... On m’a prêté beaucoup d’équipement­s, notamment une bétonneuse. » Jérôme repart de plus belle, les semaines défilent. Placo, carrelage, toiture, isolation fibre de bois, tout-à-l’égout... Seule la mise aux normes électrique­s est effectuée par un profession­nel. Un an plus tard, la modeste maison revêt un style contempora­in sobre et épuré. Côté ameublemen­t, « pour le moment c’est surtout de la récup ». Ne reste plus que la déco, dernière pierre d’un édifice qui cristallis­e déjà beaucoup de désirs chez les heureux propriétai­res. « Le meilleur pour la fin en somme ! »

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