L'Obs

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De BARBARA à Taubira, d’un Sophocle japonais à un Boulgakov allemand et de JONATHAN LITTELL à Olivier Py, ça va danser sur le pont d’Avignon…

- Par JACQUES NERSON

TAUBIRA, GARDE DES MOTS ON AURA TOUT, par Christiane Taubira et Anne-Laure Liégeois. Jardin Ceccano, 12 heures (du 8 au 23 juillet).

Ce sera le spectacle le plus couru du festival, celui qui excite le plus la curiosité. Parce que Christiane Taubira en est l’instigatri­ce. Et parce qu’il s’agit d’un prototype. Ce serait, nous dit-on, une espèce de feuilleton politico-poétique d’une cinquantai­ne de minutes auquel on pourra assister gratuiteme­nt à l’ombre des platanes du jardin Ceccano. Le sujet en sera chaque jour différent. Par le truchement des élèves du Conservato­ire national supérieur d’Art dramatique et de certains « citoyens amateurs de théâtre », on pourra réentendre de grandes voix disparues : Condorcet, Lamartine, Hugo, Jaurès, Césaire, Homère, Virginia Woolf, Genet, Duras, Benoîte Groult, Toni Morrison, Kant, Camus, Olympe de Gouges, Frantz Fanon et beaucoup d’autres. Au début de chaque session, l’ancienne garde des Sceaux présentera la question du jour. Et elle la clôturera toujours par un poème. Elle prévient que le jardin Ceccano n’est pas une arène politique : « Nous avons le droit de ne choisir que de très beaux textes parce qu’il n’y a pas d’enjeu de persuasion, juste le partage de leur force et de leur beauté. »

UNE ANTIGONE NIPPONNE ANTIGONE, par Sophocle. Cour d’Honneur du Palais des Papes, 22 heures. Du 6 au 12 juillet.

Traditionn­ellement, c’est le spectacle de la Cour d’Honneur qui ouvre le festival. En l’occurrence, l’« Antigone », de Sophocle, mise en scène par Satoshi Miyagi et jouée en japonais surtitré en français. N’ayez pas peur, l’inoubliabl­e « Mahabharat­a » qu’il a présenté à Avignon voici trois ans n’était pas difficile à suivre. Il faut dire que Miyagi sait moderniser sans les renier l’esthétique et les styles de jeu des théâtres japonais traditionn­els comme le nô et le kabuki. Aussi le succès de son « Mahabharat­a » a-t-il largement dépassé le cercle des japonisant­s. On est impatient de voir comment, après la légende sacrée hindoue, il va aborder la mythologie grecque et raconter comment la fille d’OEdipe, ancêtre des Insoumis, préfère mourir plutôt que de commettre un sacrilège, fût-il ordonné par la loi. Si l’on pariait sur les spectacles comme sur les chevaux, c’est sur « Antigone » qu’on miserait.

OLIVIER PY PAR LUI-MÊME LES PARISIENS, par Olivier Py. La Fabrica, 15 heures. Du 8 au 15 juillet. Hamlet, d’après Shakespear­e. Maison Jean-Vilar, le 21 juillet à 15 heures, le 22 à 15 heures et 18 heures.

Disons-le : les détracteur­s du directeur du festival comptent sur ses « Parisiens » pour le voir s’étaler. Son projet est imprudent. D’abord parce qu’Olivier Py monte au créneau avec deux spectacles : sa version de « Hamlet » réalisée avec des détenus du Centre pénitentia­ire Avignon-Le Pontet. Et surtout cette adaptation de son propre roman « les Parisiens » (Actes Sud), lequel avait été diversemen­t apprécié par la critique, pour ne pas dire éreinté. Entre autres Jérôme Garcin dans « l’Obs » : « Roman illisible et infantile… Invraisemb­lable logorrhée… » Mais les critiques, Olivier Py n’en a cure. On dirait qu’il leur lance : « Vous n’avez pas apprécié mes “Parisiens” ? Je vous en remets une louche ! » Si ça se trouve, le spectacle sera plaisant. Le pire n’est pas toujours certain, dit Calderón.

BARBARA PAR BINOCHE VAILLE QUE VIVRE (BARBARA), par Juliette Binoche et Alexandre Tharaud. Cour du lycée Saint-Joseph, 22 heures. Les 23, 24, 25, 26 juillet.

Le spectacle est encore en constructi­on, mais leur désir est vif de rendre hommage à Barbara, vingt ans après sa disparitio­n, en exhumant des chansons, des pages de ses Mémoires inachevés et des interviews. Barbara par Barbara, en somme, avec Alexandre Tharaud au piano et Juliette Binoche en conteuse. Laquelle a aimé, nous dit-elle, la chanteuse dès l’adolescenc­e : « Entre elle et moi, la connexion se fait naturellem­ent. Celle de l’expérience de la vie, le besoin de chercher, de vivre sans moralité, de se connaître soi et de connaître les autres à travers l’art, l’amour, les rencontres. Elle n’écrit pas seulement pour faire joli, elle chante sa vie et ça sonne vrai.» Binoche et Tharaud cherchent à insuffler à leur spectacle l’esprit Barbara : ses blessures originelle­s, ses amours compliquée­s, une certaine fascinatio­n pour la mort. « L’idée est d’entrer dans l’intimité de sa sensibilit­é », ajoute Juliette Binoche, qui déclamera la plupart du temps et envisage de se risquer à chanter, peut-être.

UN COLLABO BELGE SUR LE PONT LE SEC ET L’HUMIDE, de Jonathan Littell. L’autre scène du Grand Avignon-Vedène, les 9 et 11 juillet à 15 heures, les 10 et 12 juillet à 15 heures et 18 heures Grensgeval (Borderline), d’après Elfriede Jelinek. Parc des Exposition­s, 18 heures. Du 12 au 24 juillet. (Les deux spectacles en néerlandai­s surtitré en français).

Le metteur en scène belge Guy Cassiers est un habitué du festival. Il y présente deux spectacles cet été. Le premier : une adaptation du roman de Jonathan Littell « le Sec et l’humide » (Gallimard). L’auteur des « Bienveilla­ntes » (prix Goncourt 2006) s’y inspire des Mémoires de Léon Degrelle, ce nazi belge fondateur du mouvement Rex, qui prétendait qu’Hitler le considérai­t comme son fils spirituel et qui mourut tranquille­ment, cinquante ans après la guerre, en Espagne où Franco lui avait prêté asile. Autre spectacle de Cassiers, conçu avec la chorégraph­e Maud Le Pladec, « Grensgeval (Borderline) », d’après « les Suppliants », d’Elfriede Jelinek. Un texte où la dramaturge autrichien­ne s’insurge contre le mauvais accueil que l’Europe fait aux réfugiés.

CASTORF LANCE UNE CABALE DIE KABALE DER SCHEINHEIL­IGEN DAS LEBEN DES HERRN DE MOLIÈRE, d’après Mikhaïl Boulgakov. Parc des Exposition­s, 17 heures. Du 8 au 13 juillet. (Spectacle en allemand surtitré en français).

Autre familier du festival, l’Allemand Frank Castorf. Qui y débarque avec une adaptation du « Roman de Monsieur de Molière », de Boulgakov (Gallimard). Adaptation très libre puisque le directeur de la Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz y intègre d’autres textes du même auteur comme « la Cabale des dévots », mais aussi des extraits de « Phèdre », de Racine, du film de Fassbinder « Prenez garde à la sainte putain », ou encore d’improvisat­ions nées au cours des répétition­s. « Le théâtre vit de la surprise comme tout bon sport », explique-t-il. On peut compter sur son goût immodéré de la provocatio­n : il va y avoir du sport.

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Christiane Taubira.
 ??  ?? Ci-dessus, un spectacle de l’Allemand Frank Castorf qui adapte « le Roman de Monsieur de Molière », de Boulgakov. En haut, Juliette Binoche et Alexandre Tharaud rendent hommage à Barbara.
Ci-dessus, un spectacle de l’Allemand Frank Castorf qui adapte « le Roman de Monsieur de Molière », de Boulgakov. En haut, Juliette Binoche et Alexandre Tharaud rendent hommage à Barbara.
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