IMMINENTE, LA CHUTE DE LA MAISON TRUMP ?
Un entourage trouble, des scandales financiers, des relations opaques avec la Russie… Toutes ces affaires sont au coeur des “Dossiers noirs de Donald Trump”, publiés par les Editions Nouveau Monde. Extraits exclusifs
Pendant toute sa campagne et le début de sa présidence, ils lui ont glissé dessus comme la pluie sur les plumes d’un canard. Plus maintenant : les « Dossiers noirs » (1) de l’homme d’affaires Donald Trump rattrapent le président Donald Trump, certains sont même devenus partie intégrante de l’enquête dirigée par le procureur spécial Robert Mueller sur la possibilité d’une collusion entre la Russie et la campagne de Trump en vue d’influencer l’élection de 2016.
Connexions tortueuses, argent russe en quête de blanchiment, seconds rôles mafieux, femmes fatales, rixes de bar, balafres et menaces lugubres… Tout y est. Et l’idée de revenir sur ces « Dossiers noirs », en republiant certaines enquêtes de presse américaines et en y ajoutant quelques récapitulatifs originaux, ne peut qu’être saluée. On regrettera ici ou là un manque de prudence dans le traitement d’informations explosives mais non prouvées, comme le fameux « rapport Steele » et les supposées galipettes sexuelles de Trump à Moscou. Enfin, s’il est vrai que la presse américaine a tardé à fouiller de fond en comble le passé du candidat Trump, elle a effectué et continue d’effectuer un travail remarquable – jusqu’à ces derniers jours, avec une enquête révélatrice de Bloomberg sur la société Bayrock et l’ex-associé éminemment louche de Trump, Felix Sater.
C’est sur ces dossiers que se penchent, aujourd’hui, une quinzaine de limiers hors pair recrutés par Robert Mueller. Et ce sont eux, peut-être, qui signeront la chute de la maison Trump. (1) « Les Dossiers noirs de Donald Trump », édité sous la direction d’Yvonnick Denoël, Nouveau Monde Editions, 17,90 euros.
ROY COHN, LE MAUVAIS GÉNIE DE DONALD TRUMP S’il est un magouilleur qui a rejoint dès son plus jeune âge le côté obscur de la force, c’est bien Roy Cohn. Tout est à jeter chez cet avocat américain né en 1927 à New York. Tricheur, menteur, lié à la mafia, véreux jusqu’au trognon, violent…
L’homme est surtout l’âme damnée de Donald Trump. L’éminence grise qui a fait du jeune NewYorkais mal dégrossi l’un des candidats les plus démagogues et populistes que la course à la Maison-Blanche ait jamais connus, dans la droite ligne du maccarthysme…
Au milieu des années 1970, Cosa Nostra règne sur New York. Et les premiers clients de maître Cohn sont les principaux parrains de la ville : « Fat » Tony Salerno, Carmine Galante dit « le Cigare », et Paul Castellano, le chef du clan Gambino, le plus important du pays.
Par la suite, l’avocat représentera aussi le plus fou de tous les chefs de famille, John Gotti, surnommé « Don Teflon » parce que les condamnations et les balles semblaient glisser sur lui.
Un soir d’octobre 1973, entouré d’une cour de beaux jeunes gens, Roy Cohn se trouve au Club, une des boîtes de nuit les plus en vue de New York. Un jeune promoteur immobilier l’aborde, il s’appelle Donald Trump. Lui et son père sont accusés de discrimination raciale par le gouvernement américain. Accusations fondées, les Noirs qui cherchent un logement ne sont pas les bienvenus dans les immeubles de la famille. Que faire ?
« Mon conseil…, dit Roy Cohn, qu’ils aillent se faire foutre. Envoyez-les péter et attaquez-les devant les tribunaux. »
Le jeune promoteur immobilier ne cache pas son plaisir. Voilà un homme comme il les aime, un homme qui n’a peur de rien avec son franc-parler et sa mauvaise foi en béton. « Je vous embauche », lui répond-il. Et c’est parti. A compter de ce jour, Roy Cohn représentera Donald Trump dans toutes les grandes batailles judiciaires de sa vie. Des journalistes s’intéressent d’un peu trop près à ses affaires ? Ils sont systématiquement traînés devant les tribunaux pour diffamation. Trump s’enorgueillira même d’avoir mis un reporter sur la paille. Roy Cohn engrange les honoraires – 50 000 dollars par dossier (une fortune pour l’époque) – et Donald Trump les victoires.
Retour en 1973. Donald Trump a 27 ans et ne connaît pas grand-chose de la vie new-yorkaise. Il a fait ses classes dans l’entreprise fondée et dirigée par son père. De vingt ans son aîné, Roy Cohn est au faîte de sa puissance.
Les soirées somptueuses qu’il organise chez lui ou dans les boîtes de nuit qu’il fréquente en font la coqueluche de Big Apple,notamment au Studio 54. Situé au 254 West 54th Street entre la VIIIe Avenue et Broadway, l’endroit se voulait « la plus grande boîte de nuit de tous les temps ».
Roy Cohn est l’avocat des patrons de la boîte, Steve Rubell et Ian Schrager. Il y est comme à la maison. Parfois il joue le rôle de maître des lieux, décidant qui peut entrer ou pas. Mais généralement il fait la fête en compagnie de sa cour d’éphèbes et d’aficionados.
Parmi eux, le couple Trump. « Ce qui s’est passé au Studio 54 ne se reproduira jamais, a déclaré Trump à l’écrivain Timothy O’Brien. Tout d’abord, vous n’aviez pas le sida. Vous n’aviez pas les problèmes que vous avez maintenant. J’ai vu des choses que je n’ai jamais revues à ce jour. J’ai vu des mannequins se faire baiser devant tout le monde. » Après avoir introduit Trump dans la jet-set, Roy Cohn va lui remettre les clés de la ville et du pays.
La scène suivante a lieu en 1979 à la veille de l'élection présidentielle. Roger Stone, l’un des lobbyistes les plus puissants du Parti républicain, se rend dans le luxueux appartement de Roy Cohn à Manhattan. Il veut son appui dans le cadre de la campagne de Ronald Reagan.
Cohn est assis à sa table de la salle à manger, dans un peignoir de soie. Dans une assiette, il y a du
bacon et du fromage à la crème que l’avocat mange avec ses doigts. A ses côtés, un gros homme au souffle lourd. « Monsieur Stone, je vous présente Tony Salerno », lui dit Cohn.
Roger Stone salue le personnage. Il n’ignore pas qu’il a devant lui l’un des parrains de la branche Cosa Nostra de New York. Surnommé le « Gros Tony », c’est le chef de la famille Genovese, l’une des plus influentes du pays. Pour le FBI, c’est même l’un des plus puissants et des plus riches gangsters de l’histoire de la mafia américaine depuis Al Capone.
Le boss de la mafia et l’avocat ont longuement écouté Roger Stone leur expliquer son plan de campagne destiné à porter Ronald Reagan à la Maison-Blanche. Pour y parvenir, il lui faut avant tout de l’argent, beaucoup d’argent.
« Tu dois rencontrer Donald Trump et son père, lui assure Cohn. Ils sont parfaits pour ce que tu veux. Laisse-moi organiser une réunion. »
C’est ainsi que Donald Trump contribua à porter Ronald Reagan à la Maison-Blanche. COMMENT TRUMP A VIOLÉ L’EMBARGO AMÉRICAIN CONTRE CUBA Une société contrôlée par Donald Trump a secrètement mené des affaires à Cuba sous le régime communiste de Fidel Castro, malgré l’interdiction très stricte qui rendait illégal ce genre de commerce. C’est ce que révèlent des entretiens accordés par d’anciens collaborateurs de Trump, ainsi que l’étude des archives internes de l’entreprise et de procédures judiciaires.
Des documents montrent que la société Trump a dépensé un minimum de 68 000 dollars pour son incursion cubaine de 1998, à une époque où aucune entreprise n’avait le droit de dépenser un cent dans l’île sans l’aval du gouvernement américain. La société n’a d’ailleurs pas dépensé cette somme directement. Avec l’approbation de Trump, des cadres ont fait transiter l’argent nécessaire par un cabinet de consultants, Seven Arrows Investment & Development. Après que les consultants furent allés à Cuba et eurent effectué les dépenses voulues pour l’entreprise, Seven Arrows indiqua à de hauts responsables de la société, qui s’appelait alors Trump Hotels & Casino Resorts, comment donner à l’opération une apparence de légalité en l’associant après coup à une action caritative.
Ce paiement par Trump Hotels eut lieu juste avant que le magnat new-yorkais ne recherche l’investiture par le Reform Party, lors de sa première campagne pour la Maison-Blanche. Dès le premier jour, il se rendit à Miami, où il s’adressa à un groupe de Cubano- Américains, électorat critique dans un Etat clé. Trump jura de maintenir l’embargo contre Cuba et de ne jamais y dépenser son argent ou celui de ses entreprises tant que Fidel Castro n’aurait pas été écarté du pouvoir. Il ne révéla pas que, sept mois auparavant, Trump Hotels & Casino avait remboursé ses consultants pour l’argent dépensé au cours de leur voyage d’affaires secret à La Havane.
Après la publication de cet article sur Newsweek. com, Kellyanne Conway, directrice de campagne de Trump, fut interrogée sur ces allégations lors de l’émission télévisée « The View ». Elle répondit : « Ils ont versé de l’argent en 1998, à ce que je comprends »,
mais poursuivit en disant que Trump n’avait jamais investi dans l’île. Dans cette déclaration, elle admettait que Trump avait violé la loi. Le financement de ce voyage d’affaires et des rendez-vous à Cuba – qu’ils aient ou non débouché sur un investissement supplémentaire ou sur un accord pour l’ouverture d’un casino – constitue une infraction directe. LA “TRUMP ORGANIZATION” ET LES BANQUIERS IRANIENS De 1998 à 2003, la société immobilière de Donald Trump a loué des bureaux à une banque iranienne que les autorités américaines associent à plusieurs groupes terroristes et au programme nucléaire de l’Iran.
Selon des archives examinées par le Consortium international des Journalistes d’Investigation (ICIJ) et par le Centre d’Intégrité publique, Donald Trump a hérité d’un locataire bien particulier lorsqu’il a fait l’acquisition du General Motors Building, immeuble situé sur la Ve Avenue : la Bank Melli, l’une des principales banques d’Etat iraniennes. Et la Trump Organization a conservé ce locataire pendant quatre ans après que le département du Trésor a signalé, en 1999, que cette banque était contrôlée par le gouvernement iranien.
Des hauts fonctionnaires américains ont ensuite affirmé que Bank Melli avait été utilisée afin d’obtenir du matériel sensible pour le programme nucléaire de l’Iran. Selon les autorités des EtatsUnis, cette banque a permis, entre 2002 et 2006, de faire parvenir des fonds à une unité de la Garde révolutionnaire iranienne qui parrainait des attentats terroristes, période qui correspond en partie à celle pendant laquelle Trump lui louait des bureaux.
Les rapports de la Trump Organization avec la banque iranienne éclairent les intérêts économiques de Donald Trump, qui vont parfois à l’encontre de ses déclarations à l’emporte-pièce durant la campagne présidentielle. Trump a dénoncé l’Iran comme un « grand ennemi », a reproché à Hillary Clinton de ne pas avoir adopté une ligne plus dure contre le régime iranien et a soutenu que les dons de gouvernements étrangers à la Clinton Foundation équivalaient à une preuve de corruption. Les cinq années pendant lesquelles il eut Bank Melli pour locataire montrent comment la Trump Organization a elle-même fait des affaires avec un gouvernement hostile aux Etats-Unis.
Un document judiciaire obtenu par l’ICIJ indique que le loyer de Bank Melli, pour plus de 750 mètres carrés au 44e étage du General Motors Building, s’élevait peut-être à plus d’un demi-million de dollars par an. KOMPROMAT. TRUMP ET LA RUSSIE A peine élu, le président des Etats-Unis se trouve accusé de collusion avec la Russie. Un tel scénario semblait réservé aux romans de Tom Clancy ou à la série télévisée « 24 Heures chrono ». Et pourtant, avec Donald Trump, tout semble possible.
Si le FBI et le Sénat veulent faire toute la lumière sur les liens entre Trump et les oligarques russes, ils devront également scruter certains réseaux méconnus développés par le gendre de Trump, Jared Kushner. Ils s’intéresseront notamment à deux figures clés de l’entourage de Poutine : les oligarques Roman Abramovitch et Lev Leviev.
A la demande du chef de l’Etat russe, ils sont l’un et l’autre devenus des mécènes du mouvement fondamentaliste juif hassidique Chabad (à l’époque assez confidentiel) pour le transformer en Fédération des Communautés juives de Russie. Le mouvement Chabad se veut traditionaliste, mais plus souple dans l’observance des obligations religieuses, et aussi plus joyeux dans son rite (on le compare parfois aux évangélistes). L’idée de cette OPA était de supplanter l’organisation du culte judaïque russe, jugée insuffisamment sûre par Poutine. Chabad fut placé sous la direction du rabbin Berel Lazar, bientôt surnommé le « rabbin de Poutine » et brocardé pour son soutien sans faille au chef de l’Etat. L’antenne
new-yorkaise de Chabad, très active, comptait parmi ses bienfaiteurs le milliardaire diamantaire israélien d’origine russe, Lev Leviev, très proche de Poutine. En 2007, Leviev fit célébrer le mariage de son bras droit chez Trump, à Mar-a-Lago.
Trump, Kushner (fiancé à Ivanka) et Leviev commencèrent à se fréquenter. La famille de Jared Kushner figurait elle aussi parmi les bienfaiteurs de Chabad. En mai 2015, Kushner racheta à Leviev un immeuble de 295 millions de dollars. De son côté, Ivanka, la fiancée de Jared, devint très amie avec Dasha Zhukova, l’épouse de Roman Abramovitch. C’est ainsi qu’une grande familiarité s’est créée entre les Trump, les Leviev et les Abramovitch. En 2006, Abramovitch est devenu actionnaire du géant pétrolier Rosneft, société qui pourrait comme on l’a vu avoir joué un rôle clé dans la collusion entre Trump et la Russie et retient fortement l’attention du FBI. L’épouse d’Abramovitch, Dasha Zhukova, est devenue une intime des époux Kushner, mais aussi de leur amie Wendi Deng (l’ex-femme de l’empereur des médias Rupert Murdoch). Réputée amatrice d’hommes de pouvoir, Wendi Deng aurait selon Politico une liaison avec Poutine. Dasha Zhukova a assisté aux cérémonies d’investiture de Donald Trump comme invitée personnelle d’Ivanka. Lorsque, en pleine bagarre entre la Maison-Blanche et le Congrès sur la réforme de l’Obamacare, les époux Kushner sont partis skier dans la station huppée d’Aspen (Colorado), les époux Abramovitch se sont envolés dans leur jet privé pour passer le week- end avec eux, ce dont le FBI et la CIA ont pris bonne note. Le président Trump a demandé pour Ivanka et Jared Kushner une accréditation leur donnant accès aux documents les plus confidentiels de la Maison-Blanche, ce qui n’a pas été du goût des services secrets… C’est donc une ligne de communication assez ouverte qui s’est tranquillement installée entre la Maison-Blanche et le Kremlin. Les nombreux commentateurs politiques qui voient Ivanka et Jared comme une présence rassurante et modératrice au milieu de conseillers fanatisés du type Steve Bannon pourraient bien déchanter. Le 23 mai,
8 JUIN James Comey est entendu par la commission du Renseignement du Sénat. Il accuse entre autres le président et son administration de « mensonges » et de diffamation à son encontre.
au cours d’une audition devant le Congrès, l’ancien patron de la CIA sous Obama, John Brennan, a affirmé avoir eu connaissance d’« informations et de renseignements qui révélaient des contacts et des interactions entre des responsables russes et des personnes américaines impliquées dans l’équipe de campagne de Trump ». « Cela m’a préoccupé, car on connaît les tentatives russes pour s’acheter de tels individus. » Au même moment, Jared Kushner est officiellement devenu une des cibles de l’enquête du FBI. Le service s’intéresse notamment à ses rencontres en décembre 2016 avec l’ambassadeur russe et avec le patron d’une banque russe visé par les sanctions américaines mises en place après la crise ukrainienne : Sergueï Gorkov. A son tour, Kushner pourrait voir ses affaires immobilières passées au crible.
15 JUIN Selon le « Washington Post », le procureur spécial Robert Mueller enquête sur une possible entrave à la justice de la part de Donald Trump, dans l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle.