L'Obs

LA GUÉRILLA WEB DES ANTI-AVORTEMENT

- MARIE VATON

Sur la vidéo de leur site, des jeunes en blouson sombre bravent un incendie aux inquiétant­es lueurs vertes, traversent une zone urbaine taguée puis s’enlacent et avancent vers la lumière. On les voit ensuite en groupe tendre le poing, l’annulaire gauche plié. Sont-ce des satanistes ? Des néopunks radicaux ? Ou une plateforme de jeux vidéo ? Rien de tout ça : nous sommes dans l’antre numérique de la jeunesse anti-IVG. Leur mouvement s’appelle Les Survivants. Survivants comme tous ceux nés après 1975, époque à laquelle la loi Veil a dépénalisé l’avortement, disent-ils. Survivants ou rescapés, comme une personne sur cinq qui a échappé en France à l’IVG, selon eux. Avec tous les « syndromes » qui vont avec, affirment-ils : « Culpabilit­é et angoisses existentie­lles », « manque de confiance en soi », « méfiance », etc. Le poids des mots est lourd de références. Les photos chocs sont à l’avenant : fin juin, ses jeunes militants ont fait une campagne de street-marketing sauvage en plein Paris. Des affiches, collées dans le métro et les Abribus parisiens, d’embryons âgés de quelques semaines et prénommés Einstein, Gandhi ou Bob Marley, avec le slogan « Interrupti­on volontaire de génies ». L’été dernier, ils avaient lancé l’opération #SauvezPika­chu avec une interface inspirée du jeu Pokemon Go. Le jour de la mort de Simone Veil, ils ont tweeté « l’avortement restera toujours un drame », l’une de ses célèbres citations, avec comme commentair­e : « Une femme courageuse dont la volonté a été trahie ! Madame on vous aime. » Le petit malin à l’origine de la guérilla marketing des Survivants s’appelle Emile Duport : il a 37 ans, l’oeil vif de l’ancien rebelle catho de famille nombreuse, et des méthodes de voyou bien élevé avec sa bague Pater Noster, ses bracelets de cuir et son pin’s de la Vierge mexicaine épinglé à son blouson. « Politiquem­ent, je ne me place ni à gauche ni à droite », dit ce féministe autoprocla­mé en critiquant, non pas le recours à l’IVG, mais « le discours infantilis­ant et sexiste des dirigeants qui font porter aux seules femmes la culpabilit­é et la souffrance de l’avortement ». L’ancien dircom de La Manif pour tous est un vrai digital native : en plus de son agence, il a créé quatre portails sur l’avortement (dont Afterbaiz. com et Testpositi­f.com). Sur les réseaux sociaux, il est une machine de guerre et s’apprête même à lancer un média en pure player, « une sorte de Vice. En plus réac ».

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