L'Obs

1. LE IT DE L’ÉTÉ

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Vif émoi dans le Landerneau de la mode en mai dernier, au sujet de l’audace ultime du créateur ultra-chouchou Simon Porte Jacquemus : un chapeau de paille XXL qui s’est pavané sur la passerelle du MuCEM à Marseille. Ce modèle, malgré sa redoutable prise au vent, a créé l’événement, fait rare pour un couvre-chef contempora­in. Car, malgré la manne représenté­e par la catégorie « accessoire­s », le chapeau de couturier est peu développé. « Nous n’aurons un vrai retour du chapeau que si les créateurs ont une vision de la société juste, qui puisse être incarnée dans un chapeau, souligne Alice Litscher, de l’IFM. Si le modèle de Jacquemus a été vu partout, c’est parce qu’il fait sens dans la silhouette, il n’a pas été posé là par hasard. » D’autres jeunes créateurs, minimalist­es et tranchants, préparent de nouvelles merveilles dans l’ombre, dans l’attente du retour en grâce des fedoras et autres borsalinos: Marie Marot et ses légèretés en papier japonais, Larose et ses feutres fendus d’une fermeture Eclair.

2. LE CHAPEAU BOHÈME

C’est le grand retour de la paille et du chapeau bohème pour traîner ses guêtres et son nez refait au festival de Coachella ou sur le sable de Venice Beach. Pour faire sa belle sur Instagram, les chapeaux homologués sont ceux de la marque marseillai­se Van Palma, avec broderies d’oiseau sur feutre ou panama bicolore orné d’une simili dent de requin. Pour une esthétique plus « The Revenant », Nick Fouquet propose des chapeaux de cow-boy avec pièces de monnaie, roses séchées ou allumettes intégrées. Autre tendance: les couvre-chefs éthiques réalisés par des tribus virtuoses en tissage végétal, tels les modèles Woma de Yosuzi, minutieuse­ment réalisés par les Indiens Guajiro au Venezuela. Ou encore les panamas à pompon de Sensi Studio, confection­nés par des artisans en Equateur.

3. LE CHAPEAU DE CRÉATEUR

Ils repoussent les limites du genre et restaurent le noble statut du chapeau : les créateurs. Marie Mercié, avec sa coi e de velours au mini-canapé et au vase intégrés ou son bibi tarte au citron, renoue avec les traditions du début du du ready-made et du surréalism­e. Le maître incontesté des chapeliers est l’Anglais Philip Treacy, dont les ornements de tête haute couture spectacula­ires flamboient sur le crâne de Lady Gaga, Madonna, Dita Von Teese et Beyoncé. Une exubérance de tulle, de satin, de fleurs de tissu, de voilettes qui rappelle les grandes heures du couvre-chef, les immenses capelines débordant de plumes de l’actrice et courtisane Geneviève Lantelme, qui a inspiré Proust dans « A la recherche du temps perdu ». Ce panache, cet apparat sont toujours au programme des grands modistes comme Prudence Millinery, qui crée pour Balenciaga, Saint Laurent ou encore Vivienne Westwood.

4. LE CHAPEAU DE COCKTAIL

Impossible d’y couper : aujourd’hui, des garden-parties aux mariages, on se doit d’aller quérir un bibi pour « tenir la dragée haute » aux invités. « Pour les cérémonies ou les événements comme le Prix de Diane, le chapeau reste la marque de la bonne société et de l’élégance, explique la spécialist­e Brigitte Campagne. C’est encore plus flagrant en Angleterre : la reine et les princesses ne sortent jamais sans. C’est un signe de distinctio­n sociale. Dans certains cercles, on va dans les grandes maisons s’acheter un chapeau comme on choisit un sac. » La France a hérité d’une tradition passée d’habillemen­t très rigide, en fonction de la classe et de la catégorie profession­nelle, et le chapeau permet d’exprimer sa supériorit­é. Le couvre-chef fragile, référé à l’aristocrat­ie ou à la bourgeoisi­e, est une manière de vanter sa vie égrenée au fil des petits-fours : « Tout ce qui va demander de la précaution lors du nettoyage, et qui complique les déplacemen­ts, est un symbole d’oisiveté », poursuit Alice Litscher.

5. LE CHAPEAU DE TRIBU

Des groupuscul­es militants aux bandes unies par les liens sacrés du hip-hop, les tribus utilisent le chapeau comme emblème. « Les chapeaux sont aussi un signe de ralliement, à commencer par les militaires – pour se reconnaîtr­e comme alliés ou ennemis sur le champ de bataille – et, bien sûr, les révolution­naires avec le bonnet phrygien, rappelle Alice Litscher. Sans oublier la notion du “workwear” : la syndicalis­ation de la masse ouvrière a été symbolisée par la revendicat­ion de sa tenue, qu’elle voulait garder hors du travail. » D’où le défilé des couvrechef­s de toute nature pour cimenter son gang, depuis les bonnets rouges jusqu’aux casquettes siglées des groupes de rap.

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