L'Obs

Liu Xia, veuve

Où l’on voit que les héritiers souvent sont encombrant­s

- D. D. T.

l y aura toujours des esprits forts pour vous dire que Pascal, avec son pari sur Dieu, était un con mais on peut parier, à notre tour, que pour le résumer de la sorte, ils ne l’auront pas beaucoup lu. Les jésuites l’avaient bien lu, lui avait lu les jésuites. Ils s’en sont envoyé, les gaillards. Et voici un pape, celui d’aujourd’hui, ce François qui trouve moyen de surprendre après deux mille ans de christiani­sme, luimême un jésuite, qui parle de béatifier le janséniste Blaise Pascal. Rien n’est perdu pour Liu Xiaobo. Le pouvoir chinois, qui l’aura laissé sans soins dans sa prison jusqu’à quinze jours de sa mort, puis réduit en cendres jetées à la mer dans les heures qui ont suivi, il en fera un héros de la Chine quand il aura fini par découvrir que la démocratie ce pouvait être la Chine aussi.

Liu Xiaobo est le seul prix Nobel de la paix à être mort en détention depuis l’Allemand Carl von Ossietzky sous les nazis et ce dernier, du moins, avait eu la satisfacti­on de voir sa femme autorisée à se réfugier en Angleterre. Jusqu’à ce jour où cette chronique est écrite, Xi Jinping refuse à la veuve de Liu Xiaobo ce que Hitler accorda à celle de Carl von Ossietzky. Pour elle, assignatio­n à résidence et interdicti­on de se rendre à l’étranger qui la réclame. Qu’ils sont embêtants, ces Ossietzky, ces Liu Xiaobo. Morts, leurs héritiers les continuent. La Liu Xia, en plus, elle est poétesse. Les poètes, une engeance, demandez à Staline, demandez à Fidel Castro. Celle-ci, fort à propos, n’est pas en bonne santé. Vivement qu’elle soit à l’hôpital, hein, avec un bon cancer comme l’autre, et intranspor­table : hop, bientôt en cendres et à la mer, la même que son mari, comme quoi communisme rime avec humanisme.

Quand on est chef d’Etat et qu’on est dictateur, il est de bonne guerre d’être envoyé en prison si la dictature est renversée. De même, si s’installe une dictature, le président d’avant peut s’attendre à être emprisonné. Là où c’est plus rare, c’est quand le président d’une démocratie, ou un ancien président démocrate, est condamné à l’emprisonne­ment dans un pays démocratiq­ue. C’est arrivé à l’Israélien Moshé Katzav, qui vient d’être libéré après six ans d’enfermemen­t. Au Pérou, ils font plus fort. L’ancien président Humala vient d’entrer en prison. Avec lui, son épouse. En Israël, Moshé Katzav y était entré tout seul. Il est vrai que c’était pour viols et qu’un chef d’Etat ne viole pas toujours en même temps que sa moitié. Ollanta et Nadine Heredia Humala sont accusés de corruption (financière, la corruption). En prison, c’est ici que ça se corse, ils ont rejoint Alberto Fujimori, ancien président péruvien aussi, contre qui Ollanta s’était révolté il y a une vingtaine d’années. Les voilà calmés tous les deux. Ils pourront jouer aux cartes ensemble mais pas madame, envoyée dans une prison pour femmes. Ça existe encore, ces discrimina­tions-là ? Que font les féministes ?

Ashutosh Maharaj, lui, est un chef spirituel et il ne finira pas en prison, il est bien mieux à l’abri. Fondateur en Inde de la secte Divya Jyoti Jagriti Sansthan, s’il n’a pas donné signe de vie depuis plus de trois ans après une attaque cardiaque, c’est parce qu’il médite. Ses disciples n’en doutent pas, raison pour laquelle ils l’ont déposé dans un congélateu­r, qu’il n’aille pas sou rir d’un coup de chaud. La famille d’Ashutosh voudrait procéder à ses obsèques mais les disciples, rassemblés dans un ashram du Punjab, du congélateu­r gardent la clé. La justice a dû trancher. Elle a tranché qu’il est légitime d’attendre qu’Ashutosh Maharaj sorte de sa méditation. Pascal, qui ne manquait pas d’humour, dirait (peut-être) qu’on saura alors s’il souhaite un enterremen­t ou une crémation.

En plus, elle est poétesse. Les poètes, une engeance.

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