L'Obs

“J’ADORE ME DÉGUISER”

Spécialisé dans les rôles numériques, Andy Serkis incarne le chef du peuple simiesque dans “la Planète des singes”

- PROPOS RECUEILLIS PAR F. F.

C’est votre troisième « Planète des singes ». Qui est César ? César est le leader du peuple des singes. Il a été élevé parmi des humains, donc il se sent en empathie avec eux. Dans « la Planète des singes. Suprématie », la guerre dure depuis trois ans. Il lui arrive quelque chose, au début du film, qui le transforme en fou de vengeance, en machine haineuse. Jouer un singe, est-ce satisfaisa­nt ? Ce qui est intéressan­t, pour mon travail d’acteur, c’est que je suis ce personnage depuis son enfance, et je le connais bien. De jeune chimpanzé, il est devenu un chef de guerre incontesté. Simultaném­ent, il s’humanise. Dans le premier film, en 2011, il apprenait le langage. Dans le deuxième, il devenait un chef révolution­naire. Dans le troisième, il prend en charge son peuple vers la Terre promise. Il était Spartacus, il devient Moïse. Exactement ! Comment avez-vous travaillé ? J’ai commencé par observer les chimpanzés. Leur démarche, leurs gestes, leurs expression­s. De nombreuses études ont été faites dans les années 1970, on pensait que le chimpanzé était le chaînon manquant. Ça a changé, depuis. En partant de là, j’ai juste adapté la gestuelle aux exigences des situations. Dans le premier film, j’avais un râtelier de dents de singe dans la bouche. Dans le second, on est passé au maquillage digital. C’est ce qu’on nomme « motion capture ». Autrefois, on avait des accessoire­s : cheveux, poils, masques, etc. Aujourd’hui, on me place des points lumineux sur le corps et sur le visage, et on me donne des armatures à enfiler pour allonger les bras. Mais je reste physiqueme­nt intact. Une fois la scène tournée, les points lumineux servent de repères, et les ordinateur­s habillent mon personnage. Le masque et le corps simiesques sont entièremen­t digitaux. Le résultat, c’est que les expression­s de mon visage ne sont pas déformées par un masque en carton. Le travail de l’acteur est plus gratifiant. Magique ! Vous avez été quatre fois Gollum dans « le Seigneur des anneaux », deux fois le Suprême Leader Snoke dans « la Guerre des étoiles », une fois King Kong et même le capitaine Haddock dans « les Aventures de Tintin ». Vous êtes déguisé tout le temps ? J’adore. Mon acteur préféré, c’est Lon Chaney : dans les années 1920, il a joué plein de rôles, Blizzard dans « Satan », Erik dans « le Fantôme de l’Opéra », et personne ne connaissai­t son visage ! C’est magnifique. Cela dit, la saga des singes est très exigeante : il faut marcher et courir en utilisant ses quatre membres, alourdir ses jambes avec des poids pour modifier la manière dont on se déplace. De plus, nous avons tourné ce film en extérieur, en plein hiver au Canada. Les habits de motion capture ne nous protégeaie­nt pas beaucoup du froid, quand il faisait −20 °C. Vous êtes aujourd’hui le roi de la « motion capture », vous avez même votre studio spécialisé, Imaginariu­m. C’est un autre métier… Non. On est acteur, ou on ne l’est pas, un point c’est tout. Qu’on joue un singe ou Hamlet, on doit tout donner. Le roi Lear ou César, c’est pareil. Il s’agit toujours d’incarner un personnage. Le cinéma de l’avenir, pour vous, c’est de la « motion capture » bidouillée par des ordinateur­s ? Peut-être. C’est libérateur. Avec ces interventi­ons digitales, vous pouvez jouer ce que vous voulez, comme vous le voulez. En ce moment, je réalise « le Livre de la jungle ». Christian Bale incarne Bagheera la panthère. Grâce à ce procédé, on peut voir les expression­s de Christian, malgré l’habillage du museau de l’animal. Y aura-t-il un autre « Planète des singes » ? Qui sait ? Le mot « jamais » n’existe pas à Hollywood.

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Dans « Suprématie », Andy Serkis devient…
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… César, grâce à la « motion capture ».

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