L'Obs

Besson, cet alien

VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES, PAR LUC BESSON SPACE OPERA FRANÇAIS, AVEC DANE DEHAAN, CARA DELEVINGNE, CLIVE OWEN, RIHANNA (2H17).

- NICOLAS SCHALLER

Le cinéma de Luc Besson n’a pas grandi, mais il a grossi. C’est ce qui rend « Valérian et la Cité des mille planètes » particuliè­rement désarmant. Il se dégage de cette grosse machine au budget pharaoniqu­e (200 millions d’euros, le plus important jamais consacré à une production européenne), un plaisir simple, une excitation enfantine à visiter des mondes extraterre­stres, à voir défiler une foultitude de créatures insensées qui surpassent les défauts habituels des films de Besson : scénario balourd, personnage­s clichetonn­eux, humour d’élève de CM2. On pense beaucoup à « Star Wars » mais rendons à Besson ce qui appartient aux auteurs des BD ayant bercé sa jeunesse et qu’il adapte ici : c’est George Lucas qui a pompé allègremen­t l’univers de Christin et Mézières, pas l’inverse. Si « Star Wars » est à des années-lumière en termes d’écriture, d’incarnatio­n et de force mythologiq­ue, « Valérian » a pour lui son foisonneme­nt visuel, son baroquisme psychédéli­que d’un mauvais goût parfois total, qui tranche en ces temps de blockbuste­rs aseptisés. L’ouverture sur « Space Oddity » de David Bowie est belle : Besson y retrace par une suite d’ellipses la constructi­on d’Alpha, la Cité des mille planètes, une station spatiale qui se transforme siècle après siècle en Babel intergalac­tique. Les commandant­s accueillan­t au fil du temps chaque nouvelle peuplade alien y sont interprété­s par autant de cinéastes passés faire un clin d’oeil (Eric Rochant, Benoît Jacquot, Xavier Giannoli…). Car « Valérian », via également la danseuse de cabaret extraterre­stre incarnée par Rihanna dans deux scènes, entend célébrer le pouvoir de l’artiste. De la part de Besson, réalisateu­r épris d’une liberté dont il prive ceux qu’il produit, cela prête à sourire. De même, derrière ses aphorismes humanistes à deux sous, « Valérian » est le film d’un parfait misanthrop­e. D’où l’inintérêt de son couple d’agents intergalac­tiques, Valérian (Dane DeHaan, à côté de la plaque) et Laureline (Cara Delevingne, jeu limité, charme de petite fille butée, photo) qui, au fond, importent moins au réalisateu­r que la tribu d’aliens pacifiques victimes d’un génocide causé par les humains. Plus on s’approche de la fin à la James Bond, plus ce « Cinquième Elément » multiplié par « Avatar » s’effondre. Il n’empêche : on n’a pas vu le temps passer, l’absence de garde-fous de cette méga-production aux enjeux financiers énormes inspirant une relative sympathie. Preuve que Besson, à 58 ans, a retrouvé un peu de notre âme d’enfant.

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