L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU

C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt. Souvenez-vous, c’était il y a quatre ans. Dans son jardin de l’Elysée, François Hollande croyait apercevoir la croissance, lors de sa traditionn­elle interview télévisée du 14-Juillet. « La reprise, elle est là », confiait-il, comme s’il s’attendait à la voir surgir derrière un bosquet. Las. La dynamique économique qu’il présageait avait fané aussi sec, laissant le président de la République de l’époque et les Français en plein marasme.

La reprise aujourd’hui est bel et bien là. Mais François Hollande n’est plus au pouvoir. Un nouveau jardinier a pris sa place à l’Elysée pour en profiter. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les chiffres de la croissance publiés la semaine dernière par l’Insee redonnent de l’espoir. Sur les six premiers mois de 2017, le PIB a progressé deux fois plus vite qu’en 2016. Et les perspectiv­es laissent penser que la richesse nationale dépassera, à la fin de l’année, les objectifs que le gouverneme­nt s’était fixés.

Sous l’effet conjugué d’un rebond de nos exportatio­ns et d’une hausse de la consommati­on des ménages, l’économie française a repris des couleurs. Pas encore de quoi créer suffisamme­nt d’emplois pour faire vraiment baisser le chômage. Mais cette bonne nouvelle pourrait bien faire les affaires du gouverneme­nt qui cherche désespérém­ent des milliards pour boucler l’année. Car plus de croissance, c’est plus de TVA dans les caisses de l’Etat, et donc moins d’économies à faire, moins de coups de rabot sur le budget…

Que les étudiants qui pleurent la baisse de leur APL ne se réjouissen­t pourtant pas trop vite. Le ministre de l’Economie a prévenu : cette divine surprise ne doit pas conduire à refaire l’erreur qui a été systématiq­uement commise depuis vingt ans. Chaque fois que la reprise montre le bout de son nez et que les recettes fiscales progressen­t plus vite que prévu resurgit en effet l’éternel débat sur la « cagnotte », cette manne fictive qu’il conviendra­it de reverser aussitôt aux Français. Jospin, de Villepin ou encore Sarkozy, en leur temps, en ont tous fait les frais.

Avec une dette publique qui dépasse toujours 2 000 milliards d’euros et des déficits encore supérieurs à 3% du PIB, le concept de cagnotte reste somme toute très relatif d’un point de vue macroécono­mique. D’un point de vue politique, en revanche, c’est beaucoup plus compliqué. Il lisse la nécessité de faire des efforts ou des sacrifices et tempère généraleme­nt l’ardeur réformatri­ce des ministres concernés.

En sera-t-il de même à la rentrée? Rien n’est moins sûr. Vexé d’apparaître comme un vulgaire gestionnai­re plutôt que comme un président capable de transforme­r en profondeur la société, Emmanuel Macron vient de rappeler aux membres du gouverneme­nt que la croissance ne s’arrosait pas avec du « pipi de chat » et qu’il attendait d’eux de l’audace, tout de suite, pour confirmer la dynamique. Reste à savoir s’ils en auront les moyens et surtout les idées !

“PLUS DE CROISSANCE, C’EST PLUS DE TVA DANS LES CAISSES DE L’ÉTAT, ET DONC MOINS D’ÉCONOMIES À FAIRE, MOINS DE COUPS DE RABOT SUR LE BUDGET…”

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