L'Obs

Portfolio No future, le punk a 40 ans

C’est dans l’univers londonien du mouvement punk, qui inquiéta tant l’Angleterre pré-Thatcher, que le jeune Laurent Monlaü débuta dans la photograph­ie. C’était il y a quarante ans. Souvenirs…

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En 1977, j’avais 20 ans et j’ai débarqué à Londres où j’avais vécu et passé mon bac deux ans auparavant. Tout m’était familier. Je traînais à Earls Court, Portobello, Chelsea, King’s Road… Et chaque jour était un joyeux happening.

Worlds End, nom donné à l’extrême ouest de King’s Road au xixe siècle, abritait la boutique de fringues et d’accessoire­s de Vivienne Westwood et Malcolm McLaren. Grâce au Bromley Contingent, une bande de fans des Sex Pistols, ils furent à l’origine du mouvement punk et de sa mode vestimenta­ire. Après les mods, les skinheads et autres mouvements typiquemen­t britanniqu­es, les punks étaient la suite logique de l’excentrici­té et du dandysme anglais.

« No future » claqua comme le slogan d’une Angleterre refoulant les niaiseries hippies, un cri prémonitoi­re à l’aube du thatchéris­me triomphant. En 1977, l’Occident bascule dans la fin des illusions. Sur King’s Road, le samedi, des minimanifs s’organisent spontanéme­nt. Des groupes de punks descendent la rue depuis Worlds End pour se bastonner avec les groupes de mods et de skinheads rivaux. Le chahut se finissait en général par l’interventi­on de la police aux abords bourgeois de Sloane Square, à l’Est.

Le lieu culte était le club Roxy. Fermé en avril 1977 après cent jours de légendes, il avait rouvert quelques rues plus loin dans le quartier de Covent Garden. Pas pour longtemps. Définitive­ment fermé en 1978, le Roxy reste le club mythique de la scène punk. Des soirées s’y organisent à l’improviste, on se retrouve dans un squat, dans les locaux d’une maison de disques… Etait-ce dans les locaux de Track Records, sur Carnaby Street, que la police débarqua pour gâcher une fête grandiose? On ne fumait pas d’herbe ni de shit. L’héroïne et la cocaïne n’étaient pas encore les vecteurs de défonce du showbiz. Non. Pour les punks, c’était la colle et le poppers. Et la bière bien sûr. Les punks étaient des anarchiste­s provocateu­rs. Leur croix gammée faisait peur aux bourgeois. Et l’épingle à nourrice plantée dans leur joue et leurs vêtements lacérés était leur doigt d’honneur.

Mon seul regret ? Avoir snobé le fameux concert promotionn­el sur la Tamise des Sex Pistols, où ils jouèrent « God Save the Queen » en passant devant le Parlement anglais. Episode qui provoqua une bagarre avec les journalist­es présents! Mais j’avais mieux à faire ce soir-là. Dommage… Les punks avaient définitive­ment envahi la ville !

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