L'Obs

L’opinion

- Par MATTHIEU ARON

de Matthieu Aron

Il est des renoncemen­ts plus impardonna­bles que d’autres. Parce qu’ils touchent à des sujets essentiels, ils peuvent devenir des taches indélébile­s. « Nous devons accueillir les réfugiés, c’est notre devoir, c’est notre honneur », avait dit Emmanuel Macron. Puisqu’il se targuait de ne pas transiger avec les valeurs, puisqu’il se voulait « efficace » mais aussi transgress­if, on s’est pris à y croire. Enfin, un président de la République osait braver les peurs. Hélas, l’histoire se répète. Et aujourd’hui, la France, comme lors de la « crise migratoire » de 2015, n’est à la hauteur ni de son passé ni de son « honneur », pour paraphrase­r le chef de l’Etat. Ce dernier, pourtant, jurait encore fin juillet devant des réfugiés : « Je ne sais pas si nous gagnerons mais je ferai tout pour. Je vais m’y employer dans les mots et dans les faits. »

Regardons les faits justement. Ils sont cruels. Il y a deux ans, alors que la Grèce était débordée par l’afflux de réfugiés, François Hollande s’est comporté en boutiquier. Aujourd’hui, c’est l’Italie qui est en première ligne, avec l’arrivée de près de 100 000 migrants depuis janvier. Et, une fois encore, au sommet du pouvoir, on entend la même antienne : l’Hexagone ne peut pas accueillir « toute la misère du monde ». Mais personne n’exige de sa part une telle générosité! Personne ne réclame que le pays ouvre ses frontières à tous les vents.

Posé en ces termes, le débat est stérile, nuisible, et surtout faussé. Il est simplement demandé à la France qu’elle prenne sa juste part dans cette tragédie. Or, à la grande colère des dirigeants transalpin­s, nous fermons nos ports, nous bloquons la frontière à Vintimille, et lorsque des réfugiés, au péril de leur vie, parviennen­t quand même à pénétrer chez nous, nous n’hésitons pas à les renvoyer côté italien. Le président fait de belles phrases sur l’exigence « humaniste », mais les actes ne suivent pas. En 2016, la France a enregistré 85 000 demandes d’asile, contre 720 000 en Allemagne.

On se souvient qu’Emmanuel Macron s’était élevé contre les critiques déplacées émises par Manuel Valls vis-à-vis de la politique d’accueil d’Angela Merkel. Parvenu au pouvoir, il copie pourtant ses prédécesse­urs. La récente annonce de 3500 places supplément­aires dans des centres d’accueil en 2018 est dans la ligne suivie par François Hollande : faire le strict minimum pour ne pas paraître inhumain, mais ne rien proposer qui puisse froisser l’opinion publique.

Une politique minimalist­e que Gérard Collomb justifie par une très vieille lune : la différenci­ation entre « réfugiés politiques », que nous aurions vocation à accueillir, et « migrants économique­s », que nous devrions par nécessité rejeter. Bref, comme l’a écrit « le JDD » ce week-end, il faudrait « faire le tri » (quelle atroce expression). Le problème, c’est que – outre une sévère entorse à l’« humanisme » prôné par le président Macron –, ce « tri » est inopérant. Avec le temps, tout réfugié politique devient un migrant économique. Sans parler des centaines de milliers d’exilés qui, même s'ils n’ont pas subi de persécutio­ns dans leur pays d’origine, vivent un véritable enfer (viols, esclavage) lors des deux années passées en Libye pour financer leur traversée de la Méditerran­ée.

Face à cette urgence, la France se doit de faire plus, beaucoup plus.

“LA POLITIQUE DU GOUVERNEME­NT : FAIRE LE STRICT MINIMUM POUR NE PAS PARAÎTRE INHUMAIN.”

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