LA FONTAINE
LE FABULISTE ÉPICURIEN
Si l’auteur Erik Orsenna était un animal de fable, ce serait un papillon butineur, goûtant avec une joie communicative au nectar des personnages qu’il raconte. Après ses biographies de Louis Pasteur et d’André Le Nôtre, le voilà qui nous intéresse au plus fameux des fabulistes *. Qu’on n’attende pas de l’académicien une somme sur la vie et l’oeuvre de Jean de La Fontaine. Le temps lui presse et Erik Orsenna en est déjà à sa deuxième publication cette année, après la « Géopolitique du moustique ». Ecrivain économe, il lui suffit de croquer La Fontaine en quelques scènes picaresques pour donner de la chair à cet auteur méconnu, écrasé par l’immense popularité de ses fables. Jean de La Fontaine, né en 1621 à Château-Thierry au sein d’une famille de la petite bourgeoisie commerçante, est une personnalité complexe. Coureur de jupons invétéré, il a commencé sa carrière au… séminaire. Chroniqueur ironique de la cour, il a pourtant peu fréquenté celle de Louis XIV, le roi tout-puissant ne lui ayant pas pardonné sa fidélité à Nicolas Fouquet, l’intendant déchu. Hédoniste revendiqué, Jean de La Fontaine, auteur prolixe, n’en peaufinait pas moins ses fables jusqu’à n’en plus laisser qu’un ou deux vers d’origine. Dans cette promenade en chapitres courts, prolongement des chroniques lues sur France-Inter tout l’été, on sent qu’Erik Orsenna s’est particulièrement délecté de nous faire découvrir les contes coquins, bijoux d’humour et de frivolité, que Jean de La Fontaine renia à l’article de la mort. Ainsi écrivait-il : « Nous nous trouvâmes seuls : la pudeur et la crainte De roses et de lis à l’envi l’avaient peinte. Je triomphai des lis et du coeur dès l’abord, Le reste ne tenait qu’à quelque rose encor. Sur le point que j’allais surmonter cette honte, On me vint interrompre au plus beau de mon conte. » Et le mérite est grand de nous donner envie de continuer la lecture.