Champion olympique... de corruption ?
Le Sénégalais Papa Massata Diack, déjà recherché par la justice française dans le cadre des scandales touchant l’athlétisme mondial, apparaît dans le dossier du trucage des JO de 2016 à Rio. Après ces nouvelles révélations, il a accepté de répondre à “l’O
Ce n’est pas tous les jours qu’on parle avec un homme qui affiche un palmarès pareil. Au téléphone, la voix est énergique, chaleureuse, presque plaisante. Papa Massata Diack, 52 ans, ferait quasiment oublier que ses trophées, en cette rentrée, sont exclusivement judiciaires. La semaine dernière, son nom est apparu en lettres capitales dans l’enquête lancée sur la corruption présumée lors de la désignation des jeux Olympiques à Rio en 2016. Il figurait déjà dans celle consacrée au scandale du dopage des athlètes russes. Depuis décembre 2015, il fait l’objet d’une notice rouge d’Interpol. Le juge Renaud Van Ruymbeke a émis contre lui un mandat d’arrêt international. Il a aussi été définitivement suspendu cet été par les instances de l’athlétisme mondial.
Quand il accepte de répondre à « l’Obs », les images des perquisitions policières dans le quartier chic de Leblon, à Rio de Janeiro, sont encore fraîches. Papa Massata Diack, lui, demeure dans sa villa de Dakar assez sûr de lui, fidèle à sa réputation de golden boy du marketing sportif. « Rio avait pour elle tous les atouts. Elle a gagné avec 66 voix contre 32 pour Madrid. On aurait acheté 10 voix africaines avec deux millions de dollars ? » Il répond à sa propre question avec un petit rire bientôt transformé en colère : l’enquête en cours relève tout bonnement du « conspirationnisme ».
Papa Massata Diack est le fils de Lamine Diack, emblématique président de l’Association internationale des Fédérations d’athlétisme (IAAF) de 1999 à 2015, lui aussi soupçonné dans ces enquêtes menées par la France. Mais Papa Massata Diack insiste sur le fait qu’il s’est construit seul dans cette famille, où « le cheminement par le sport » est « une tradition ». Formé à Paris et à San Diego, il a fait ses armes en Suisse en négociant des sponsorings et des droits télé, a travaillé pour le Nigeria, le Togo, le Qatar, puis est venu aux négociations du sport mondial avec un contrat de consultant, prévoyant... 8% de commission à chaque affaire conclue. Par son seul « entregent », plaide-t-il, il aurait ramené 216 millions de dollars de contrats à l’IAAF. Il fait partie de ces hommes d’affaires qui ont introduit les dollars là où le sport n’était qu’amateurisme.
Dans les enquêtes menées par le Parquet national financier et les juges français, on découvre pourtant de curieuses transactions avec les Russes au moment où il fallait « régler » la question du dopage et avec les Brésiliens quand le sort de Rio était en jeu. Des enveloppes. Mais aussi des montres et articles de luxe achetés à Paris en juillet 2013 pour 131400 euros. Preuve de corruption ? « C’est mon argent. J’ai apporté 216 millions de dollars. Avec 8% de commission, calculez ! » Papa Massata Diack date sa passion pour les montres de l’époque où il vivait à Lucerne, en Suisse, non loin de la prestigieuse boutique Bucherer… Il se désespère : « On m’a accusé de n’importe quoi. Après vingt-deux mois d’enquête, où sont les preuves ? »
Craint-il que les juges ne déboulent chez lui ? « Je leur dirai : “Welcome in Senegal !” » Sait-il que ses détracteurs ne le voient plus que comme un champion olympique de corruption ? A cette question, bravache, il lâche : « Champion olympique de corruption ? J’attends ma médaille. » L’enquête continue.