Je t’aime, moi non plus

SNOW, PAR ANGUS & JULIA STONE (LE LABEL/PIAS).

Le dérèglement climatique gagne du terrain. « On n’a pas tous les jours de la neige en été », martelaient les Toulousains de Diabologum à la fin du siècle dernier ; et voilà qu’il en tombe dès la mi-septembre. Cette neige-là nous arrive de la côte est de l’Australie, où Angus et Julia Stone ont enregistré « Snow » dans un cottage de Byron Bay. C’est un album tout en flocons lumineux, qui dégringolent doucement pour nous envelopper dans une sorte de romantique blizzard sonore. « Why don’t you stay ? », se susurrent d’emblée le frère et la soeur Stone, avec ce zeste d’inceste qui fait de leur duo un couple si curieusement assorti. Lui, bloc de nonchalance hirsute lézardé par la mélancolie ; elle, charmante voix sensuelle un peu garce, comme une Vanessa Paradis qui aurait gardé sa candeur et le sens de l’épure. Tout ça frôle assez miraculeusement la mièvrerie sans jamais s’y vautrer. Comme sur leurs précédents albums (plus de 500 000 se sont vendus en Australie, et près de 300000 en France), les chanteurs de « Big Jet Plane », « Heart Beats Slow » et « Santa Monica Dream » pratiquent l’art délicat de mettre en musique le chagrin d’amour, la confusion des sentiments, et toutes ces autres vies qui auraient pu être mais devront finalement rester à l’état de rêverie. C’est un registre trop universel pour ne pas être casse-gueule. Ils y excellent. Leur pop traînante, lyrique et feutrée, souffre ici parfois d’une production trop léchée, mais reste suffisamment incarnée pour n’être pas aseptisée. Ils savent aussi bien invoquer les noms de Baudelaire et de Sylvester Stallone que reprendre les formules épiques du meilleur U2 sur l’efficace « Who Do You Think You Are ». Ils savent surtout renouer avec l’intimisme folk qui a fait leur succès, le temps d’une caressante ritournelle comme « Nothing Else », petit bijou en mode mineur où deux voix s’embrassent « sous les étoiles » pour se dire, enfin, tout simplement : « Il n’y a rien d’autre à faire que tomber dans tes bras/Je t’aime bien, juste comme tu es. » Notez qu’Angus et Julia Stone tournent en France du 17 octobre au 2 novembre, avec escale au Zénith de Paris pour la Toussaint. Si la météo ne déclenche pas la fin du monde d’ici là, ça promet de donner des concerts délicieux.