Coup double pour de Gaulle
MEILLEURS ALLIÉS, D’HERVÉ BENTÉGEAT, PETIT MONTPARNASSE, PARIS -14E, 01-43-22-77-74, 21 HEURES ; JEAN MOULIN, ÉVANGILE, DE JEAN-MARIE BESSET, THÉÂTRE 14, PARIS-14E, 01-45-45-49-77, HORAIRES VARIABLES. JUSQU’AU 21 OCTOBRE.
Deux de Gaulle dans le 14e. Le premier retrouve au Petit Montparnasse son compère et adversaire, sir Winston Churchill. A la veille du Débarquement de 1944, le chef de la France libre, furieux d’être traité par Roosevelt comme la cinquième roue du carrosse, menace de se retirer sous sa tente. Churchill lui intime l’ordre de se soumettre. Les Alliés ont besoin qu’il appelle sur les ondes de la BBC la Résistance française à se soulever, à saper les efforts des Allemands pour les repousser. Tout en s’admirant, le bouledogue anglais et l’échassier surnommé par lui « le dindon » s’exaspèrent mutuellement. Leurs adjoints respectifs, Anthony Eden et Pierre Vienot, ont bien du mal à les empêcher de s’entr’égorger. Le pauvre Vienot y perdra le peu de santé qui lui restait. Nourri de traits authentiques, ni de Gaulle ni Churchill ne manquant d’esprit, le dialogue serré et mordant d’Hervé Bentégeat rebondit au long du spectacle aussi bien que ceux de Jean-Claude Brisville naguère. Pascal Racan (de Gaulle), Michel de Warzée (Churchill) sont de rudes boxeurs. Laurent d’Olce (Eden) et Denis Berner (Vienot), des soigneurs avisés. Peut-être Jean-Claude Idée eût-il mieux fait de ne pas inciter les faux de Gaulle et Churchill à imiter les vrais : ça tourne parfois au numéro de cabaret. On se demande aussi pourquoi, quand ils sont seul à seul, Churchill s’adresse à Eden dans un français à la Hitchcock. Mais ne faisons pas la fine bouche, on s’amuse beaucoup. Le général de Gaulle n’est pas le personnage principal de « Jean Moulin, Evangile » au Théâtre 14. Comme le titre le suggère, c’est l’ancien préfet d’Eure-et-Loir devenu l’unificateur de la Résistance (Arnaud Denis) qui tient ici la vedette. Néanmoins, par la confiance inébranlable qu’il a accordée à Moulin, le général (Stéphane Dausse) y joue un rôle essentiel. Malheureusement, excepté les penchants homosexuels ici prêtés au héros (sachant que ce que dit l’auteur n’est pas parole d’évangile), le spectacle mis en scène par Régis de Martrin-Donos fait un peu trop images d’Epinal. De Gaulle apparaissait déjà dans la toute première pièce de Jean-Marie Besset, « Villa Luco » (1989). Pourquoi son dialogue avec Pétain sonnait-il alors plus juste qu’aujourd’hui avec Moulin ? Sans doute parce que de Gaulle n’est en réalité jamais venu visiter Pétain mis au ban sur l’île d’Yeu. L’invention est au théâtre meilleure conseillère que la vérité.