“ELLE EST LA CAUTION DE GAUCHE […] DE L’ÉLYSÉE. EN PLUS, ELLE PASSE BIEN À LA TÉLÉ.”
assez prudente ». Si elle reste, c’est qu’elle est « pratique ». « Elle est la caution de gauche et l’alibi féministe de l’Elysée. En plus, elle passe bien à la télé », commente un haut fonctionnaire. Une « vitrine », qu’on peut mettre en avant sans grand frais, pour tester les Français sur les sujets qui font débat, comme la PMA ou le harcèlement de rue, mais aussi un « fusible » qu’on n’hésitera pas à dégager si elle devient un problème. Il y a quelques jours, des rumeurs la disaient sur le départ. « Je subis une forme de bizutage depuis ma rentrée dans le gouvernement. Parce que je suis jeune, que je me lâche les cheveux et que je porte des boucles d’oreilles créoles, sans doute », glisse-t-elle, pince-sans-rire.
Elle n’a pas vraiment digéré son titre de « reine des salopes » décerné par Atlantico, les sous-entendus bizarres de «Valeurs actuelles » sur son « teint étrangement mat » ni les attaques répétées et « gênantes » d’Alain Finkielkraut à son endroit. Marlène Schiappa a beau se retenir, son humour fuse parfois : « Il faut lui trouver une place dans un Ehpad, à lui! » Elle feint d’ignorer les codes. Elle peut s’adresser aux responsables associatifs par SMS, rédiger ses communiqués elle-même ou écrire une lettre au vitriol au président pour se plaindre de ne pas avoir été informée de la baisse de son budget 2017. Mais aussi se marier à 19 ans, quitter son mari trois semaines plus tard, en trouver un autre, et faire un enfant à 23 ans. Se retrouver secrétaire d’Etat sans aucun diplôme d’une grande école. La punk qui veut en être, quoi. « Le côté grande gueule, c’est de famille, on n’a pas été élevées dans du coton », décrypte sa soeur Carla.
Au Mans, pourtant, elle a vite compris les codes, qu’elle décrypte dans son roman « Marianne est déchaînée » en 2016 (Stock), une sorte de manuel de survie pour novice en politique. Certains collègues et élus s’y sont reconnus et lui en veulent encore. « Tout ce qu’elle raconte est pourtant exact », affirme Lionel Borremans, conseiller municipal à la mairie du Mans. La « blogueuse » en a pris plein la gueule : la politique locale n’est pas tendre avec les « intrus ». Nous sommes en 2014 et Marlène Schiappa arrive alors tout juste de Paris, pour suivre son mari, cadre RH dans la grande distribution, lorsque le maire, Jean-Claude Boulard, lui propose une place sur sa liste, séduit par « son talent et sa repartie ». Il cherche quelqu’un de la « société civile », Marlène est jeune et dégourdie : elle a créé son blog Maman travaille à l’âge de 25 ans et en a fait « le premier réseau des mères actives ». Il la convie. Elle débarque dans le bureau du maire du Mans, ses deux filles sous le bras… Il la nomme 7e adjointe à l’Egalité au Mans. Sa présence détonne, ses manières aussi. Certains élus «historiques» s’étranglent dès qu’elle prend le micro, pour proposer aux Manceaux les noms de rues Malala ou Simone de Beauvoir, ou s’interroger sur l’intérêt de fixer les réunions de conseils de quartier à 18 heures. Si plusieurs associations LGBT locales louent ses engagements sincères et sa disponibilité, son bilan ne fait pas l’unanimité. « En deux ans de mandat, à part prendre la parole dans les conseils municipaux pour se faire remarquer et une journée Le Mans pour Toutes en mars 2016, elle n’a strictement rien fait », lâche, cinglante, une de ses anciennes alliées.
C’est lorsqu’elle est nommée à la commission d’investiture pour La République en marche, après avoir été repérée par Emmanuel Macron à la FrenchTech de Laval, qu’elle s’attire, logiquement, le plus d’inimitiés. Parmi l’équipe initiale du groupe de campagne, quatre militants ont démissionné, refroidis par ses méthodes « d’inspiration trotskiste ». « Elle a grandi sous l’influence politique de son père, un militant lambertiste, et ça se voit », critique l’un d’eux, qui dénonce un comportement « à la limite de la paranoïa » où « rien n’était jamais dit frontalement mais tout se balançait publiquement à l’écrit, y compris la vie privée des gens ». Politiquement, elle commet des « fautes » également, en choisissant comme candidate pour les législatives la mère d’une de ses copines, Pascale Fontenel-Personne. Elue députée, la pouliche de Schiappa se retrouve au coeur de la polémique aujourd’hui, pour avoir organisé des visites à l’Assemblée nationale payantes…
Au fond, qu’est-ce qui fait courir Marlène Schiappa ? « Elle ne fait pas de politique par convictions, même si elle en a, mais par peur du vide, confie une de ses ex-amies. C’est pour ça qu’elle écrit autant. » Elle a bâti son oeuvre, dense et disparate, entre 3 et 6 heures du matin, une habitude prise lorsqu’elle allaitait sa fille aînée. Graphomane? « Je ne bois pas, je ne fume pas, mais j’écris. C’est ma seule addiction », dit-elle. Au milieu d’analyses féministes sérieuses, comme son enquête « Où sont les violeurs ? » (L’Aube, 2017) ou son ouvrage collectif « Lettre à mon utérus » (La Musardine, 2016), on trouve des romans autobiographiques (« Les lendemains avaient un goût de miel », Charleston Editions, 2017), plusieurs exemplaires de la collection « Osez » (« Osez l’amour des rondes »), et des romans érotiques, « pour la plupart des ouvrages de commande, rendus à la vitesse de l’éclair pour payer son loyer », confirme un éditeur.
Dans l’un d’eux, « A volonté », l’héroïne est une jeune femme bipolaire qui compose de la musique, la nuit, enchaîne les amants à la recherche compulsive du partenaire parfait, celui qui lui fera oublier ses démons… En préambule de « Marianne est déchaînée », la ministre a choisi une citation du journaliste GeorgesMarc Benamou : « La politique, n’est-ce pas le rêve en action? » Marlène Schiappa voudrait être une femme d’action. Mais peutêtre est-elle en train de rêver…