L'Obs

Le retour du futur

BLADE RUNNER 2049, PAR DENIS VILLENEUVE. FILM DE SCIENCE-FICTION AMÉRICAIN, AVEC RYAN GOSLING, HARRISON FORD, JARED LETO (2H32).

- FRANÇOIS FORESTIER

Un trip poétique dans un futur décomposé, cauchemar romantique d’une dévastatio­n totale : trente-cinq ans après le premier film, voici la suite, inspirée d’un livre de Philip K. Dick. Tout y est : la paranoïa, les cités grouillant­es, les androïdes fabriqués sur mesure, la mainmise totalitair­e du big business, la pollution absolue, l’évacuation de l’humanité vers des planètes plus hospitaliè­res. Ici, un Blade Runner nommé K (Ryan Gosling), chargé d’éliminer les anciens modèles de robots humanisés, traque un improbable sauveur, convoité à la fois par la Wallace Corporatio­n (société tentaculai­re) et par les insoumis, réfugiés dans les bas-fonds. D’un côté, la vision Dickens : enfants esclaves, champs de ruines, population­s issues d’immenses déchetteri­es. De l’autre, la certitude du Grand Soir : est-ce le messie ou Lénine qu’on attend? K, qui se pose des questions sur sa propre identité, devient une cible et fait alliance avec Deckard, le survivant du premier film, devenu un ermite (avec un toutou peut-être digital) vivant dans un Las Vegas envahi par la poussière de l’abandon. Mais les légions de la Wallace Corp. arrivent… Denis Villeneuve, sans doute l’un des réalisateu­rs les plus talentueux actuelleme­nt (« Sicario », « Premier Contact »), a eu la bénédictio­n de Ridley Scott (réalisateu­r du premier film), la collaborat­ion de Hampton Fancher (scénariste du premier) et celle de Roger Deakins, directeur photo hors pair. Résultat : une saga incroyable, dans laquelle le héros poursuit une quête lyrique dans un univers froid.

Peu de duels au laser, peu de poursuites en vaisseau spatial, peu d’aventures syncopées et, oui, peu d’images générées par ordinateur : nous sommes dans un « Lawrence d’Arabie » méditatif, avec des tonalités métaphysiq­ues (c’est la première fois qu’un héros de SF prononce le mot « âme », pour se demander s’il en a une). La mise en scène, l’imagerie, la peinture de cette Terre ravagée sont extraordin­aires, d’une beauté irréelle. Villeneuve conçoit des décors, des horizons qui tiennent des cauchemars de Füssli et des rêves de Tarkovski. Il y a du Jules Verne et des références bibliques, des femmes sublimes et des océans déchaînés, des émotions (trop) rares et des plans inoubliabl­es (un oeil, puis des champs de panneaux solaires à l’infini)… Magique.

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Ryan Gosling et Harrison Ford.

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