LE “ROI DES FORAINS” RÈGLE SES COMPTES
Marcel Campion, mis à l’écart par la ville de Paris au nom d’une gestion plus transparente, nourrit une rancune sévère à l’encontre d’Anne Hidalgo. Il contre-attaque. Révélations
Cette fois, il a décidé de sortir les dossiers. Il y a tout juste un mois, Marcel Campion s’est fendu d’une lettre recommandée avec accusé de réception à Anne Hidalgo, avec copie aux préfets de police et de région. Comme un animal blessé, le « roi des forains » prend un malin plaisir à rappeler leurs complicités passées. Cette fois, sa lettre porte sur l’histoire des centaines de migrants qui à l’été 2015 s’étaient installés avec tentes et bagages auprès de la Halle Pajol, dans le 18e arrondissement. La gestion insoluble de ce camp planté au coeur de la capitale avait fait les gros titres et provoqué mille tensions. La police était finalement intervenue le 29 juillet, et les migrants avaient été évacués dès le matin. L’après-midi même avait été placé là… un manège empêchant de facto tout retour des tentes des réfugiés.
Dans sa lettre, datée du 12 septembre dernier et que « l’Obs » a pu consulter, « Marcel la menace » livre une version peu reluisante pour son amie d’hier. « Fin juillet 2015, vous êtes intervenue auprès de moi par téléphone pour obtenir un manège forain dans les 24 heures pour le faire installer à la place des Syriens émigrés », écrit Campion à Hidalgo. Un grand carrousel trouvé dans l’urgence a donc été installé « sans aucune autorisation écrite » durant deux mois. Détail qui justifie officiellement l’aigre courrier : le forain n’aurait pas été défrayé pour cette opération… Mais le fiel est surtout versé pour écorner l’image de la maire de Paris, elle qui a toujours mis en avant son engagement humanitaire auprès des réfugiés.
L’arrivée soudaine du manège à la Halle Pajol en juillet 2015, après l’évacuation des migrants, a bien eu lieu, confirme à « l’Obs » l’entourage d’Anne Hidalgo, mais « cela faisait partie de la revitalisation d’un quartier où commerçants et riverains avaient été confrontés à la réalité de la crise humanitaire des migrants ». Et nul « ne voit la nature d’un arrangement dans l’installation de ce manège » ni n’a « le souvenir d’une demande directe » de la maire au forain.
Le rappel de cet épisode peu glorieux intervient alors que la justice s’intéresse à Marcel Campion, et, notamment, aux conditions de l’installation de sa grande roue place de la Concorde. L’enquête souligne les anomalies de la convention d’occupation de 2015. Des mises en concurrence n’auraient pas été respectées. Le forain a été mis en examen le 31 mai dernier par le juge Van Ruymbecke pour « recel de favoritisme ». La ville, depuis, est partie civile, « attachée à la manifestation de la vérité ». La maire et ses équipes, redoutant que cette affaire puisse les éclabousser, ont désormais décidé de couper les ponts avec le trublion, d’où sa colère.
A l’Hôtel de Ville, on ne s’en cache pas, le mot d’ordre est « désormais d’instaurer un mode de relation normal avec les concessionnaires de la ville ». Une sorte d’opération mains propres. Campion qui depuis sa première grande roue en 1993, sous Jacques Chirac, avait l’habitude de négocier directement en murmurant à l’oreille des maires de Paris a encore le numéro de portable de madame la maire. Comme elle ne répond plus, il sait que son pouvoir de nuisance lui permet encore de se faire entendre.