L'Obs

SÉLECTION À L’UNIVERSITÉ, LA FIN D’UN TABOU

Selon notre sondage exclusif, les Français sont désormais favorables à l’instaurati­on d’une sélection à l’entrée en fac. Un changement de mentalité majeur alors que le gouverneme­nt prépare sa réforme

- Par GURVAN LE GUELLEC

Selon notre sondage exclusif, deux Français sur trois sont désormais favorables à l’instaurati­on d’une sélection à l’entrée en fac. Un changement de mentalité majeur à l’heure où la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, Frédérique Vidal, prépare sa réforme. Dossier

Il y a quelques mois encore, les responsabl­es politiques – de droite comme de gauche –, toujours traumatisé­s par la révolte étudiante de l’hiver 1986, faisaient de la sélection un sujet tabou, pour ne pas dire « mortifère », comme le qualifiait Thierry Mandon, le dernier ministre de l’Enseigneme­nt supérieur de François Hollande, en petit comité. Il faut croire qu’ils avaient tort : les Français ont profondéme­nt évolué cesEdsetir­mnieèzre-vsoaunsnéq­eus’.ilNyoatre sondage, réaalcisté upeallrelm’ inesntittu­t Ipsos (1), révèle que 66% d’entre eux se sont désormtrao­ips ée d’une forme de sélection pour l’entrée à l’ univers sit’ éi.nsc rivent

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se reOtruoiu ve sur cette position N, oyncom pris les jeunes de 16-24 ans, premiers concernés parla mesure, qui l’agréent à 65% (contre 43% il y a dix ans). En l’absence de clivages marqués au sein de la population, on peut tout juste constater un gradient – assez prévisible – dans le soutien à la mesure. D’un côté, les cadres supérieurs (76%) et les bac+5 et plus (74%). De l’autre, les employés (60%) et les non-bacheliers (59%), un peu plus modérés dans leur enthousias­me. A noter que dans un récent sondage Ifop, dont les résultats étaient assez similaires au nôtre, une catégorie de la population se montrait opposée à toute idée de sélection : les électeurs de La France insoumise, mais « seulement » à 54%.

Lorsque le nombre de places disponible­s est insuffisan­t dans une filière universita­ire, êtes-vous favorable à chacune des mesures suivantes pour sélectionn­er les étudiants ?

63% DES FRANÇAIS ESTIMENT QUE TROP D’ÉLÈVES S’INSCRIVENT À L’UNIVERSITÉ

Ce deuxième chiffre témoigne de la réceptivit­é des Français à une réforme du premier cycle. L’analyse croisée des données permet d’ailleurs de dégager quatre grands groupes au sein de la population française. Il y a d’abord les « idéologues » de la sélection (18%). Ils sont favorables à ce mode opératoire, indépendam­ment de la situation démographi­que de l’université. Ensuite viennent les « pragmatiqu­es » (48%). Ce sont de loin les plus nombreux. Ils considèren­t que la sélection est d’abord une nécessité face à l’afflux de bacheliers dans certaines filières sous tension. Puis suivent les « opposants farouches » (14%) qui reconnaOiu­ssi ent que troNp d’élèves s’inscrivent à l’université, mais s’opposent au principe sé9l2e%cti8f,% lui préférant d’autres solutions. Enfin, 20% de nos concit9o2y%en8s% considèren­t que la fac n’est pas surchargée et que la sélectio8n­4n%e s’im16-% pose pas. Ce sont les partisans du statu quo. On peut gager que, pour ce dernier groupe, la mise en place d’une sélection – si elle est limitée aux filières en très forte tension – ne serait pas un casus belli. Une hypo3t9h%èse confirmée par la faib6le1% proportion de répondants (17%) qui se réaffirmen­t opposés à « toute forme de sélection » pour l’accès à « certaines filières ».

UNE SÉLECTION PAR LA MOTIVATION ET LES NOTES

La tradition méritocrat­ique française aurait-elle du plomb dans l’aile? On pouvait s’attendre à ce que les notes obtenues et les matières suivies au lycée soient perçues comme les critères de sélection les plus acceptable­s. Elles le sont à 92% mais autant que la prise en compte – plus subjective – de la motivation par le biais de lettres ou d’entretiens préalables. Le réformisme des Français a toutefois des limites. La discrimina­tion positive (sélection sur des critères sociaux) n’est jugée acceptable que par 39% d’entre eux. Ce qui est à la fois peu et beaucoup dans un pays qui, officielle­ment, ne connaît que des individus égaux en droits. Enfin, ironie de l’histoire, le seul critère actuelleme­nt pris en compte dans l’accès aux filières universita­ires sous tension – la proximité géographiq­ue – n’est considéré acceptable que par 47% des répondants !

80% DES FRANÇAIS JUGENT LE TIRAGE AU SORT INACCEPTAB­LE CAR PROFONDÉME­NT INJUSTE

L’institutio­nnalisatio­n en avril du tirage au sort – pratiqué jusqu’alors par les université­s, mais sans base légale – a créé un petit séisme politique. Et cette statistiqu­e permet de comprendre pourquoi. Non seulement les Français s’y opposent frontaleme­nt dans toutes les catégories de la population – les 16-24 ans, par exemple, ne sont que 24% à considérer que c’est la moins mauvaise des solutions possibles –, mais ils peinent à envisager qu’une méthode de sélection « aussi injuste » puisse décider des affectatio­ns. Ainsi lorsqu’on leur demande le critère le plus déterminan­t pour obtenir la filière de son choix à l’université, ils ne sont que 10% à opter pour « avoir de la chance » – bien que ce soit la seule réponse qui correspond­e aujourd’hui à la réalité – et préfèrent mettre en avant ce qui leur paraîtrait souhaitabl­e ou acceptable : en l’occurrence « avoir le goût du travail » à 36% et « avoir une mention au baccalauré­at » à 27%. La motivation primant, à nouveau, sur le seul mérite scolaire.

(1) Sondage Ipsos réalisé pour « l’Obs », du 29 septembre au 3 octobre, auprès de 2 180 personnes, âgées de 16 à 75 ans, interrogée­s via internet et constituan­t un échantillo­n représenta­tif de la population française.

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En 2017, 40 000 bacheliers plus se sont inscrits dans le supérieur.
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Les université­s parisienne­s, ici la Sorbonne, sont celles qui ont le plus recours au tirage au sort.
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