Mengele en cavale
Olivier Guez raconte comment, de 1949 à sa mort en 1979, le médecin criminel d’Auschwitz s’est caché en Amérique de Sud
Un sale type qui ne pense qu’à sa gueule. Voilà ce qui ressort du livre que consacre Olivier Guez à Josef Mengele, et à la longue cavale sud-américaine qui conduisit l’épouvantable médecin d’Auschwitz à trouver la mort, en 1979, sur une plage proche de São Paulo, sous le nom de Wolfgang Gerhard. On est loin de la « figure pop du Mal » qui hanta longtemps l’imaginaire collectif en défiant les agents du Mossad, loin du criminel insaisissable que Simon Wiesenthal avait, paradoxalement, mythifié sous les traits de « l’homme qui collectionnait les yeux bleus ». Ça tombe bien, Olivier Guez expliquait dans « l’Obs » du 17 août dernier avoir voulu « interroger la psyché des coupables, la banalité du mal ». Il a rempli son contrat. Avec lui, on ne lâche pas Mengele d’une semelle : on fréquente la « nazi society » accueillie à bras ouverts par l’Argentine péroniste, on assiste depuis le Paraguay à la capture d’Eichmann, on se retrouve coincé dans un vaudeville rural assez glauque, à huis clos dans une ferme brésilienne, entouré d’une meute de chiens. Et, pendant ce temps, dans le reste du monde, l’Histoire avance sans que le vieil hitlérien n’y comprenne rien. Guez aurait pu se passer des pages où il nous raconte les rêves de Mengele, mais pour le reste son récit sobre et efficace fourmille de détails passionnants, qui ne s’inventent pas. Car l’auteur semble avoir tout lu sur son sujet. On reste pourtant un peu gêné. « Certaines zones d’ombre ne seront jamais éclaircies, précise la fin du livre. Seule la forme romanesque me permettait d’approcher au plus près la trajectoire macabre du médecin nazi. » Mais où sont-elles, ces « zones d’ombre » comblées par l’écrivain ? Et où est cette « forme romanesque », puisque « la Disparition… » adopte la forme d’un récit biographique rigoureusement documenté ? Par ailleurs, il n’est pas sûr que citer Dante, Kafka et Conrad dans sa bibliographie fasse d’un bon livre un vrai roman.