L'Obs

Boulgakov malmené par Makeïeff

LA FUITE !, DE MIKHAÏL BOULGAKOV. EN TOURNÉE : NICE (7-9 NOVEMBRE), TARBES (14-15 NOVEMBRE), CORBEIL-ESSONNES (21 NOVEMBRE), SAINT-DENIS (29 NOVEMBRE-17 DÉCEMBRE), TOULON (21-22 DÉCEMBRE), LYON (9-13 JANVIER), ANGERS (19-20 JANVIER).

- JACQUES NERSON

Cette passionnan­te pièce de Boulgakov dont Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de la Criée à Marseille, signe à la fois l’adaptation, le décor, les costumes et la mise en scène, a été lue devant Stanislavs­ki en 1928 mais interdite presque aussitôt après. Et n’a jamais été montée du vivant de l’auteur. Il l’a plusieurs fois récrite pour contourner la censure, obtenu le soutien du vieux Gorki, grand sachem des écrivains soviétique­s, mais rien à faire : dès que son protecteur a eu le dos tourné, les chiens ont recommencé à clabauder. Jusqu’à ce que Staline en personne confirme la condamnati­on. Boulgakov demande alors la permission d’émigrer. Le 18 avril 1930, coup de fil du despote. Qui lui propose soit un passeport pour l’étranger, soit un emploi subalterne au Théâtre d’Art. Troublé, Boulgakov choisit la deuxième solution. Il s’en repentira. Mais rien ne dit que Staline, qui jouait au chat et à la souris avec lui, l’eût vraiment laissé s’échapper.

Que reprochait-on à « la Fuite »? De présenter les « blancs » en déroute sous un jour flatteur. Bizarre : excepté Sérafima, les fuyards sont au mieux des lâches, des dépravés, au pire des détraqués sanguinair­es. Malheureus­ement le couple Goloubkov-Sérafima (qui préfigure celui du roman « le Maître et Marguerite ») paraît ici noyé dans la masse. On le distingue tard, trop tard, des autres personnage­s. Cela vient en partie de la compositio­n symphoniqu­e de la fresque, et surtout du travail de Macha Makeïeff. Ses spectacles manquent de consistanc­e. On dirait qu’elle s’intéresse plus aux détails qu’à l’essentiel. Le pourtour est raffiné, la distributi­on ne réunit que des acteurs de premier ordre (Pascal Rénéric, Vincent Winterhalt­er, Alain Fromager, etc.), manque le coeur du sujet. A se demander si elle n’est pas fondamenta­lement plus plasticien­ne que metteure en scène. Sans cela, elle ne confierait pas, par exemple, le rôle de l’aide de camp à une cantatrice, ce qui, outre l’absurdité du casting, rend inintellig­ibles des répliques primordial­es. Mettre en scène, c’est faciliter la compréhens­ion d’une oeuvre, pas l’empêcher.

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