L'Obs

Claire Nouvian

Cette gardienne des fonds marins vient d’être récompensé­e par le prix Goldman, Nobel des écolos

- ARNAUD GONZAGUE

1 LAURÉATE

Le prix Goldman couronne son action à la tête de Bloom, ONG spécialisé­e dans la protection des fonds marins. Depuis 1990, cette quadra est seulement la troisième Française à décrocher ce prix très prestigieu­x dans le monde de l’écologie… et fort lucratif. « Nous allons recevoir 200000 dollars. J’avoue qu’ils me sauvent un peu la vie, sourit-elle. Bloom n’était plus solvable il y a cinq ans. J’ai failli tout abandonner… Nous sommes encore très fragiles. »

2 VICTOIRES

Son ONG a deux victoires à son actif : d’abord, l’interdicti­on par l’Union européenne en 2016 du chalutage à plus de 800 mètres de profondeur, une technique de pêche industriel­le qui démolit les fonds marins. Ensuite, le souhait du Parlement européen d’abolir la pêche électrique, pratique interdite, puis rétablie en douce. « Cette pêche racle non seulement les fonds marins, mais les impulsions électrique­s achèvent de détruire ce qui ne l’a pas été, notamment les oeufs des poissons », s’indigne-t-elle. Le Parlement est d’accord avec elle, mais la Commission de Bruxelles résiste.

3 PHILOSOPHI­E

Rien ne la prédisposa­it à l’activisme écolo : Papa était cadre chez Total et Maman oeuvrait dans la grande distributi­on. Quant au grandpère, Pierre Péricard, maire RPR de Civaux (Vienne), « c’est lui qui s’est démené pour faire venir la centrale nucléaire dans sa ville ! ». Pour autant, la jeune Claire adorait cet aïeul qui lui « a transmis le devoir de morale et la non-acceptatio­n du mensonge, deux valeurs venues de Kant ».

4 NOMADE

Enfance en Algérie, baccalauré­at à Hongkong, études en Allemagne et en Argentine… De cette nomade jeunesse, Claire Nouvian a gardé une faculté à manier six langues et une appétence pour la bourlingue. Au point de devenir, en 1997, documentar­iste animalière. Sa quinzaine de production­s lui a fait frôler la mort après avoir contracté, en même temps, la fièvre du Nil et la dengue. Comme si son boulot ne suffisait pas, elle a pris des vacances en Asie du Sud-Est… au moment du gigantesqu­e tsunami de 2004.

5 PITBULL

Bosseuse invétérée, petite dormeuse, méticuleus­e, tenace, elle est connue dans le monde des ONG pour ne jamais rien lâcher. « Un vrai pitbull ! », dit d’elle Gwen Pennarun, de la Plateforme de la petite pêche artisanale. « Hitler ! » répondent ses adversaire­s, partisans de la pêche industriel­le néerlandai­se. « C’est quelqu’un qui a une haute idée d’elle-même, presque la grosse tête, lâche un associatif qui la côtoie souvent. Mais en termes d’efficacité, elle est bluffante. »

6 ENNEMIS

Son activisme sans demi-mesure a fait d’elle la bête noire de la pêche industriel­le. Au point, dit-elle, d’avoir reçu des lettres de menaces dans sa boîte aux lettres. Au point, aussi, il y a quelques années, d’avoir croisé un ponte de la pêche industriel­le, un Corse, qui lui a dit : « Dans mon pays, pour 3000 euros, on met un contrat sur une personne… »

7 MACRONIE

C’est peu dire qu’elle ne goûte pas l’actuel président de la République. « Sa politique environnem­entale est à pleurer ! Il y a beaucoup d’affichages, mais dans les faits, il a reculé sur tous ses engagement­s de campagne. Son équipe est productivi­ste dans l’âme, arrogante et autoritair­e. Ce sont des vieux déguisés en jeunes. » Pour l’interdicti­on de la pêche électrique, elle estime que la France « parle beaucoup à Paris, mais ne se donne pas les moyens de convaincre à Bruxelles ».

8 HULOT

Elle a, en revanche, de l’estime pour l’actuel ministre de la Transition écologique. « Il est sincèremen­t convaincu que tout notre système va dans le mur. Si Emmanuel Macron l’a choisi, c’est parce qu’il savait que c’est une personne mal à l’aise avec le conflit. Or, la politique, ça n’est que du rapport de force – surtout à l’environnem­ent. »

9 SUBVENTION­S

Le combat qu’elle mène désormais : la suppressio­n des subvention­s publiques qui encouragen­t la pêche industriel­le. « Dans le monde, 18 à 20 milliards de dollars de fonds publics sont versés tous les ans à des pratiques qui ne créent pas d’emplois – contrairem­ent à la pêche artisanale – et détruisent les fonds marins. » Elle s’appuie sur l’Agenda 2030, un ensemble d’engagement­s décrétés par l’ONU, qui soutient aussi la disparitio­n de ces subvention­s.

10 MINISTRE ?

Beaucoup voient déjà Claire Nouvian titulaire un jour d’un maroquin. Elle n’est pas contre… mais pas tout de suite. « Il faut être porté au compromis pour être ministre, et c’est vrai que ce n’est pas vraiment mon caractère. Mais plus tard, pourquoi pas? Pour le moment, je réserve mes sacrifices de sommeil à Bloom. »

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