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- SI, PAR LISE MARZOUK, GALLIMARD, 320 P., 21 EUROS. JÉRÔME GARCIN

Solal a 10 ans, mais il semble sans âge. Chauve, le visage pâle gonflé par la cortisone, le petit corps démusclé exhalant une odeur de vomi et d’hôpital, la peau fine soulevée par le port à cathéter, ou PAC, la voix méconnaiss­able – « Tu parles comme un bébé, mais tu marches comme un vieillard » –, incapable désormais de rire, pleurer, se mettre en colère, enfermé en lui-même et comme absent au monde, Solal veut pourtant épargner à sa mère le spectacle de sa sou rance, de sa déchéance et, croit-il, de sa condamnati­on : « Tu ne te dis pas des fois que tu aurais aimé avoir un autre petit garçon à ma place ? Un qui ne soit pas malade. Un qui ne risque pas... » Non, lui répond Lise Marzouk (photo), « je ne me le dis pas. Je ne veux pas d’autre enfant à ta place, quelle que soit la situation ». Solal a un cancer, stade 2. Il est apparu – si monstrueux qu’il a fait vaciller le médecin des urgences – dans la bouche du garçon avec, en guise d’amygdales, un magma noirâtre, visqueux, fétide, putréfié. « Ça a, juge la mère, l’odeur et la couleur de la mort. » Transféré de Necker au service d’oncologie pédiatriqu­e de l’Institut Curie, l’enfant va être soumis à une chimiothér­apie lourde, sans que le corps médical puisse se prononcer sur l’issue du traitement. « Et si on n’y arrive pas ? », demande Anna, 7 ans, la petite soeur de Solal. « Ça se guérit », assure la mère. « Et si... », s’obstine Anna. Mais pour Lise, « il n’y a pas de si ». Elle mène une guerre, qu’elle veut gagner. Qu’elle va gagner pour et avec son fils. Car la chimio va finir par triompher de la tumeur. Solal est en rémission. Il grandira. Il deviendra le « jeune homme lumineux sous le soleil de midi » que, bien avant sa naissance, sa mère avait rêvé. Et il lira un jour le récit exemplaire qu’elle a fait de sa maladie. Un récit à deux voix, où elle alterne la première et la troisième personne, la confession brute, où se bousculent la tendresse, la compassion, l’angoisse, l’e roi, la colère, la révolte, le doute, l’espoir, et l’implacable récit clinique. Solal verra ainsi ses parents se coucher successive­ment, la nuit, à son chevet, dans la chambre d’hôpital et sa mère courage lui sacrifier son poste de maître de conférence­s en littératur­e comparée à l’université de Grenoble. Il s’entendra murmurer : « Au revoir maman, je rentre dans ma chrysalide et je n’en sortirai que pour m’envoler comme un papillon », ou hurler : « Maman, je veux mourir. Ils me font trop mal, je ne peux plus supporter. » Il mesurera, à chaque page, son bouleversa­nt panache de petit d’homme s’évertuant, entre une chimio et une ponction, à jouer du piano ou promettant à sa mère, juste avant d’être conduit au bloc, de lui dire « si Dieu existe ». Et il trouvera, dans cet oratorio, de nouvelles raisons de sourire à la vie.

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