EN MARCHE CONTRE “LA DOMINATION BLANCHE”
Ils se revendiquent “indigènes”, organisent des ateliers “nonmixtes” pour parler de racisme, quitte à scandaliser. Qui sont ces enfants d’immigrés, qui mènent leur combat sur les réseaux sociaux et dans les universités? Plongée dans une mouvance en pleine
L’événement avait été annoncé comme « une réunion interdite aux Blancs » par l’hebdomadaire de droite « Valeurs actuelles ». Il avait instantanément enflammé les réseaux sociaux, l’élue LR Valérie Boyer dénonçant « la fracture du pacte républicain », tandis que l’éruptif lobby du Printemps républicain (de gauche et ultralaïque), dénonçait une « Race Academy », où se côtoyaient les « indigénistes » et les « islamistes ». A la Bourse du Travail de Saint-Denis, où s’ouvrait ce vendredi 4 mai la conférence « Bandung du Nord », visant à créer une « Internationale décoloniale » (en référence à la conférence des nonalignés de Bandung de 1955, où se réunirent pour la première fois 29 Etats du Sud, africains et asiatiques), il y avait plein de monde, de couleurs diverses et, malgré ce qu’en avait dit la rumeur, plein de Blancs. Présentée comme « la première conférence internationale de personnes de couleur » du Nord, elle n’en était pas moins ouverte à tous.
Pour savoir si cet événement méritait sa réputation sulfureuse, je décidais de m’accréditer comme journaliste de « l’Obs », contrairement à « Valeurs actuelles » dont on regretta l’absence. Premier constat, et c’est peut-être ce qui chagrinait les détracteurs, il n’y avait e ectivement pas de Blancs à la tribune, puisque cette conférence avait pour but de faire parler les concernés. On y vit Angela Davis, la grande figure américaine des droits civiques, militante des Blacks Panthers poursuivie par le FBI, adouber la très controversée Houria Bouteldja, figure du Parti des Indigènes de la République (PIR) régulièrement accusée d’être une néoraciste du fait de ses écrits radicaux. Ou encore Mireille Fanon Mendès France, dont le seul nom résumait, ironiquement, ce qui se jouait avec ce « Bandung du Nord » : Fanon, le nom de son père, Frantz, l’auteur phare de « Peau noire, masques blancs », dont les militants de cette soirée se voulaient les héritiers; Mendès France, celui de son mari, fils de Pierre, figure morale de la gauche réformiste, une gauche désarçonnée face à l’émergence de cette mouvance décoloniale, qui l’épingle comme « gauche blanche ».
Tandis que dans l’air flottaient des odeurs de nourriture – « repas palestiniens dans les stands! » –, des gars baraqués, les bras croisés, portant des tee-shirts « Brigade Anti-Négrophobie » et des lunettes de soleil, se la jouaient Black Panthers. Madjid Messaoudene, élu local à SaintDenis, blaguait : « Je veux saluer le courage des Blancs ici présents qui ont réussi à passer le barrage ! ». Dans la salle, les Français, blancs et non-blancs, riaient, tandis que les Anglo-Saxons se faisaient expliquer, à grand-peine, la polémique. Choc des cultures ? Aux Etats-Unis, la pensée décoloniale fait fureur, les ateliers non-mixtes, pratiqués depuis longtemps par les féministes dès les années 1970, sont monnaie courante. Cette approche militante américaine inspire directement toute la mouvance décoloniale. Mais scandalise dans une France universaliste et allergique au multiculturalisme anglo-saxon, où beaucoup estiment que parler de « Blancs » et de « non-Blancs » est raciste.
Alors, « indigénistes », « islamistes » et racistes, les discours? Ce vendredi soir, on eut plutôt l’impression de se plonger dans l’ambiance radicale et féministe des seventies, quand Angela Davis se prit à appeler de ses voeux une société utopique sans prisons ni police, et incita à renverser « la domination patriarcale». On se leva en hommage au peuple palestinien, symbole « de la résistance au colonialisme », mais – précisons pour éviter les amalgames –
“INCROYABLE COMME ÇA CHOQUE QU’ON LÈVE LA TÊTE.” SIHAME ASSBAGUE, ORGANISATRICE DES CAMPS D’ÉTÉ DÉCOLONIAUX NON MIXTES