Le théâtre modeste, c’est mieux !
LA GUERRE DE TROIE (EN MOINS DE DEUX !), D’EUDES LABRUSSE. THÉÂTRE 13/JARDIN, PARIS-13E, 01-45-88-62-22. JUSQU’AU 10 JUIN. À LA TRACE, D’ALEXANDRA BADEA. LA COLLINE THÉÂTRE NATIONAL, PARIS-20E, 01-44-62-52-52. JUSQU’AU 26 MAI.
Sans souscrire aux paroles d’Edmond Michelet, le successeur de Malraux au ministère des Affaires culturelles qui faisait l’apologie du théâtre pauvre, on ne peut nier que le dénuement stimule l’imagination. Eudes Labrusse, directeur du Théâtre du Mantois, dramaturge au talent reconnu, et son cometteur en scène Jérôme Imard se proposent de raconter la guerre de Troie en moins d’une heure et demie et 24 tableaux, à l’instar de « l’Iliade », divisée en 24 chants. Labrusse ne se contente pas de résumer les 15537 vers d’Homère, il emprunte aussi à Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile… Le lyrisme de l’épopée en prend un coup mais ne disparaît pas tout à fait. On redécouvre même certains épisodes, comme la vengeance qu’Ulysse exerce sur Palamède (prénom de M. de Charlus chez Proust). Il est vrai que ce dernier l’a forcé à s’engager dans l’expédition contre Troie. De quels moyens Labrusse et Imard disposent-ils? De quelques tables et chaises, plus sept comédiens (Catherine Bayle, Audrey Le Bihan, Hoa Lan Scremin, Laurent Joly, Nicolas Postillon, Loïc Puichevrier, Philippe Weissert) et un musicien (Christian Roux). Un point c’est tout. Mais leur bonne humeur alerte et leur sens du rythme rendent ce spectacle tout public très divertissant. Rien de mieux pour initier les enfants au tout premier cycle romanesque d’heroic fantasy. Quittant « la Guerre de Troie » pour « A la trace », on passe d’un théâtre modeste à une production quasi hollywoodienne. Anne Théron ne lésine sur rien. Elle a fait construire en fond de scène une sorte d’échafaudage comportant neuf compartiments, comme des cases de BD, voilés par un tulle. Ainsi servent-ils d’écrans quand sont projetées les images vidéo des acteurs. Elle tient en effet à ce qu’il n’y ait en chair et en os sur le plateau que des femmes pour raconter cette histoire de femmes. Malheureusement, leurs échanges avec des partenaires virtuels détraquent le spectacle. Ils introduisent un léger décalage dans les dialogues. Comme quand on téléphone aux Etats-Unis. Les mots se désincarnent aussitôt. Le contraire du théâtre. L’argent d’Anne Théron ne fait pas notre bonheur.