ITALIE ET EUROPE, CLASH INÉLUCTABLE
L’Italie est en train de devenir le nouveau champ de bataille de l’Europe, beaucoup plus lourd de conséquences que le Brexit ou la Grèce. Sauf à se bercer d’illusions, il vaut mieux être clair : la sortie de l’Italie de la zone euro signerait la fin de l’union monétaire. Les attaques spéculatives seraient immédiatement lancées sur les dettes espagnole et française. Le contrôle des capitaux s’imposerait vite, et le système bancaire européen aurait beaucoup de mal à être colmaté.
L’alliance entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles est la coalition des partis « anti-système », dont l’équivalent, en France, serait une alliance entre Le Pen et Mélenchon. La Ligue, anciennement Ligue du Nord, était pendant la campagne l’alliée du parti conservateur de Berlusconi. Très libérale dans le domaine économique, elle veut surtout rejeter à la mer les immigrés en situation irrégulière. Le Mouvement 5 Etoiles fait ses meilleurs scores au sud. Le comparer à la France insoumise est un raccourci un peu rapide : il siège au Parlement européen avec le parti xénophobe de Nigel Farrage, où il a été rejoint par Florian Philippot. De fait très à gauche sur les questions économiques – il veut revenir à la retraite à 60 ans et créer un revenu universel – il n’en cultive pas moins une certaine ambiguïté sur les questions migratoires. Son fondateur, Beppe Grillo, avait accusé les immigrés d’avoir ramené la tuberculose en Italie… L’un des points clés de l’accord entre les deux partis est d’ailleurs de procéder à l’expulsion de 500 000 immigrés.
L’alliance d’un parti du Nord et d’un parti du Sud peut apparaître comme une nouvelle réunification de l’Italie. La réalité est qu’en combinant le désir de baisser les impôts du premier et celui d’augmenter les dépenses du second, l’Italie marche sur un fil. Le programme de gouvernement qui a été signé entre les deux partis est certes plus modéré que celui qui avait circulé dans la presse: la première ébauche prévoyait rien moins qu’une répudiation de la dette détenue par la Banque centrale et un mécanisme de sortie de l’euro. Le clash avec la Commission européenne n’en est pas moins inéluctable. La coalition rentrera-t-elle dans le rang ? Subira-t-elle l’assaut des marchés, créant une panique auto-réalisatrice? Ce sera le film de l’été, à 2 300 milliards d’euros (le montant de la dette italienne).
Ce qui demeurera, quoi qu’il advienne, est que les pays du Nord, Allemagne en tête, verront dans ces événements la confirmation de toutes leurs craintes sur la fiabilité des pays du Sud. A tout le moins, la succession de Mario Draghi à la tête de la BCE l’an prochain deviendra très tendue, l’hypothèse d’un président allemand ou assimilé devenant plus probable que jamais, ce qui pourrait signifier un raidissement (trop) brutal de la politique monétaire et in fine un nouveau krach…
Commentant Mai-68, Pierre Bourdieu expliquait qu’il ne faut faire que les révolutions que l’on peut gagner. Sinon, on en paie le prix sans en avoir eu le bénéfice. Quelque chose de cette nature est peut-être en train de se jouer en Europe.
LA SORTIE DE L’ITALIE DE LA ZONE EURO SIGNERAIT LA FIN DE L’UNION MONÉTAIRE. LE SYSTÈME BANCAIRE EUROPÉEN AURAIT BEAUCOUP DE MAL À ÊTRE COLMATÉ.