L'Obs

Matteo Salvini

Sans le leader de la Ligue, la coalition populiste qui prend le pouvoir n’aurait jamais existé

- MARCELLE PADOVANI

1 HOMME FORT Après soixante-dix jours de consultati­ons ubuesques, Matteo Salvini est devenu, à 45 ans, le deus ex machina du populisme à l’italienne. Avec 18% des suffrages aux législativ­es du 4 mars – il n’en recueillai­t pas 5% en 2013 –, il est désormais le membre déterminan­t de la coalition de droite (37% des suffrages aux législativ­es). A côté, son rival et allié du Mouvement 5 Etoiles (M5S) Luigi Di Maio, 31 ans, un nouveau-né de la politique, fait figure d’enfant de choeur. C’est pourtant Giuseppe Conte (du même M5S) qui devrait diriger le gouverneme­nt, mais Salvini est à la manoeuvre. C’est lui qui a cyniquemen­t mis à la retraite son allié Silvio Berlusconi, décidé qui serait président de la Chambre et du Sénat et donné le « la » pour le choix du président du Conseil.

2 POPULISME Un style direct, parfois vulgaire, une ligne anti-Europe, antiimmigr­és et pro-Poutine… Il est la version italienne et accomplie de Marine Le Pen. Au « Financial Times » qui titrait sur « l’arrivée au pouvoir des barbares modernes » à Rome, Salvini a répondu vertement : « Mieux vaut être un barbare qu’un larbin. »

3 PARCOURS Il est né à Milan d’un père manager et d’une mère femme au foyer. Son CV n’est pas riche en diplômes puisqu’il n’aligne qu’un modeste baccalauré­at passé dans une école catholique suivi d’une année d’études à la fac de sciences politiques à l’université de Milan. Un temps proche du communisme, il adhère à la Ligue du Nord en 1990, et devient trois ans plus tard conseiller municipal à Milan, puis député, député européen et enfin secrétaire fédéral de la Ligue en 2013. Un parti qu’il remanie, refonde, « déprovinci­alise » en le sortant des brumes du Nord et exporte au niveau européen.

4 JOURNALISM­E Il a débuté en 1997 comme chroniqueu­r au quotidien « la Padania », qui appartient à la Ligue, puis à la radio Padania Libera à l’époque où la Ligue réclamait la sécession. Matteo Salvini aime tellement la presse que sa première épouse est journalist­e, sa compagne suivante aussi, tout comme son actuelle fiancée, Elisa Isoardi, 35 ans, animatrice télé sur Rai Uno, la chaîne publique, qui a déclaré : « Pour l’amour de Matteo, je suis prête à rester dans l’ombre. »

5 MARINE LE PEN En 2014, la dirigeante du Front national a lâché : « Salvini ? Il me met en extase. » Le 5 mars, au lendemain des législativ­es, elle lui a envoyé un texto qui l’assurait de son soutien total. Le 28 janvier 2016, Matteo avait organisé à Milan, pour elle et pour les droites européenne­s, une rencontre mémorable sur le thème : « Plus libres, plus forts, une autre Europe est possible ».

6 IMMIGRATIO­N Les immigrés (plus de 600 000 arrivées en cinq ans) ne sont pas sa tasse de thé, c’est le moins qu’on puisse dire. Il veut les « foutre à la mer » et fermer les frontières. Les sauvetages humanitair­es ? « Un bluff », dit celui qui envisage de « nettoyer les villes des étrangers » et propose des wagons séparés dans le métro de Milan pour les « immigrés ».

7 HOMOPHOBIE Lorsque le tribunal de Bologne a confié, en 2013, une orpheline à un couple gay, il s’est exclamé : « C’est totalement absurde de mettre une petite fille dans les bras de deux homosexuel­s. » Il s’est aussi employé à faire retirer des bibliothèq­ues de Milan « la Petite Histoire d’une famille », un ouvrage qui racontait la vie d’une famille homoparent­ale.

8 PROGRAMME Ses priorités : l’abolition de la loi Fornero qui a allongé la durée de la vie active ; l’introducti­on d’une flat tax qui doit alléger la pression fiscale ; la réforme du système scolaire ; l’instaurati­on d’un ministère des Handicapés ; le droit à la légitime défense ; enfin, la révision des traités européens. Coût de ce programme : jusqu’à 105 milliards d’euros qu’il espère obtenir de la BCE en annulant une tranche de 250 milliards d’euros sur la dette italienne…

9 ANTI ROME « Roma ladrona », « Rome la voleuse » : tel était le slogan numéro un de la Ligue du Nord avant que Matteo Salvini ne la transforme en Ligue. Mais la haine de la capitale est restée. A Rome il préfère Milan, capitale industriel­le de l’Italie, ou alors Venise l’exotique, ville de villégiatu­re privilégié­e par les Européens du Nord.

10 POUTINE C’est une autre des lubies de Salvini, qui le rapproche de Marine Le Pen et d’autres extrêmes droites européenne­s. Et lui fait réclamer avec insistance la levée des sanctions contre la Russie. A noter que le leader du M5S, Luigi Di Maio, est du même avis. Il est vrai qu’on murmure à Rome que ces deux mouvements auraient été financés par Vladimir Poutine. Ce qui reste à démontrer.

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