L'Obs

LE BIOPLASTIQ­UE EST-IL ÉCOLO ?

- CORINNE BOUCHOUCHI

C’est un spot très didactique qui vante en cinq minutes les vertus des plastiques « biosourcés ». Une jeune femme tient un pot de fleurs. En fond sonore, un carillon tintinnabu­le : « Cette plante n’est pas banale », explique-t-elle, car elle servira dans le futur à fabriquer « toutes sortes d’objets en bioplastiq­ue, une matière 100% biodégrada­ble et d’origine végétale ». Comme ce pot marron. Vous n’avez jamais entendu parler du bioplastiq­ue ? Il s’agit d’un polymère créé à partir d’amidon de maïs, de blé, de fécule de pomme de terre. A l’écran défilent des champs dorés battus par les vents, puis les usines qui transforme­ront cette matière naturelle en sacs, barquettes, mousses… Compostés, ils se mêleront à la terre.

Des végétaux, une économie circulaire… Ces nouveaux plastiques ont-ils tout bon ? Le Club Bio-Plastiques, qui représente cette filière et diffuse ce film, en est convaincu. Les écologiste­s un peu moins. Ils se sont fait entendre, lors du récent débat parlementa­ire sur l’interdicti­on des sacs de caisse en plastique fin d’origine pétrolière (loi du 31 mars 2016). Utiliser des aliments pour produire du plastique, franchemen­t, ils n’en voyaient pas trop l’intérêt et ils avaient de sérieux doutes sur sa biodégrada­bilité dans les océans. Enfin, il faut savoir que le polymère végétal utilisé pour les sacs contient toujours du pétrole : la part autorisée est aujourd’hui de 70%, elle sera de 60% en 2019 et de 40% en 2025. Pour les militants verts, pas d’alternativ­e, il fallait bannir les sacs de caisse à usage unique, quelle que soit leur matière.

Du coup, la loi a ménagé les deux camps. Les industriel­s ont continué à produire leurs sacs en plastique issu du pétrole, pourvu qu’ils soient épais (car considérés comme réutilisab­les). En revanche, pour les poches à usage unique, destinées à l’emballage des fruits et légumes par exemple, obligation du biosourcé que l’on peut composter. Et rendez-vous dans un an pour dresser le bilan environnem­ental, économique et social de la loi.

L’Ademe (Agence de l’Environnem­ent et de la Maîtrise de l’Energie) s’y emploie actuelleme­nt et devrait rendre ses conclusion­s au gouverneme­nt en novembre. La démarche n’est pas aisée, car aucune analyse scientifiq­ue de cycle de vie de ces polymères n’a encore été faite. Il faut en effet prendre en compte non seulement leur fin de vie : biodégrada­bilité, recyclabil­ité, efficacité du compostage (technique encore peu développée en France)… mais aussi leur phase de production, en veillant à ce qu’ils n’entrent pas en concurrenc­e avec des cultures alimentair­es. Un bémol que les industriel­s du secteur ont bien en tête. Ainsi, l’italien Novamont produit déjà un plastique à partir de chardons sauvages, tandis que les recherches avancent sur des plastiques à base d’algues ou de bactéries nourries de déchets alimentair­es. La technologi­e au service de l’écologie.

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