L'Obs

AURÉLIE FILIPPETTI

“LES COUTEAUX SONT SORTIS POUR PRENDRE SON POSTE”

- PROPOS RECUEILLIS PAR CÉCILE AMAR

« Etre ministre de la Culture, c’est être en butte à la tyrannie des rumeurs des dîners en ville. C’est un poste particulie­r, parce que cinquante personnes s’imaginent à votre place ! Ce poste suscite beaucoup de fantasmes, de jalousies et nombre de ceux qui voulaient le titre vous glissent des peaux de banane, lancent des rumeurs, des vacheries. C’est un milieu où les gens ont des réseaux dans la presse. On peut échapper à cette tyrannie si l’on fait partie du sérail, de cette caste, et si on accepte leurs conditions, si on leur donne ce qu’ils veulent. L’autre particular­ité, c’est que les postes importants du ministère de la Culture sont aujourd’hui trustés par des énarques des grands corps, et si l’on n’est pas soi-même issu de cette caste des grands corps, c’est difficile. Françoise Nyssen n’est pas énarque ; je n’étais pas énarque. Jean-Jacques Aillagon n’était pas énarque, et son mandat a été difficile. Le contexte de restrictio­n budgétaire joue aussi. Les soutiens traditionn­els du ministère – les vrais artistes dans le monde du spectacle vivant par exemple – sont mécontents. Le ministère de la Culture est considéré par Bercy comme un ennemi à découper en morceaux, une proie à dépecer. Françoise Nyssen subit tout cela. Elle ne fait pas partie du sérail. Elle subit des attaques indignes sur la faiblesse de ses discours, son art oratoire. Françoise a été fragilisée dès le début par Emmanuel Macron, qui a choisi de confier des missions à des personnali­tés sur des domaines importants. Françoise est honnête, avec un parcours exemplaire. Elle vient vraiment de la société civile. C’est aussi pour cela qu’elle est attaquée. Les couteaux sont déjà sortis pour prendre son poste. C’est la seule ministre qui ait soutenu les réfugiés. C’était courageux, mais le courage n’est pas toujours récompensé en politique. La politique a été envahie par le marketing. Il faut apprendre à vendre une image avant de construire une politique. C’est cela l’aporie de la politique. »

Newspapers in French

Newspapers from France