L'Obs

Atwood au sommet

NEUF CONTES, PAR MARGARET ATWOOD, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR PATRICK DUSOULIER, ROBERT LAFFONT, 324 P., 21 EUROS.

- DIDIER JACOB

Après l’immense succès de « la Servante écarlate » (2017), Margaret Atwood (photo) ne sait plus où donner de la tête. Comment écrire quand tous les projecteur­s vous éclairent? Comment rester fidèle à celle qu’on a été ? La petite fille qui a grandi dans les forêts du Québec est-elle du même bois que la romancière accomplie au brillant palmarès (prix Arthur C. Clarke, Booker Prize, prix Franz-Kafka) ? Ces derniers temps, Margaret Atwood a fait une apparition dans deux séries TV (l’une pour Netflix, l’autre pour la future saison de « la Servante »). Elle a terminé le script d’un roman graphique, et projettera­it de sortir un recueil de poèmes. De nouveau grand roman, il n’est apparemmen­t pas question. Cet été, elle enseignera l’écriture dans une résidence d’écrivains à Pelee Island. Ah, elle promet aussi, dans le journal qu’elle tient sur internet, de se battre pour qu’on foute la paix aux chats. Ecrites avant l’emballemen­t médiatique de « la Servante », les nouvelles gothiques réunies sous le titre « Neuf Contes » illustrent à merveille l’étendue de son talent. Dans « Matelas de pierre », Verna retrouve Bob, un type qui l’a violée quand elle était jeune. Retraité, Bob ne se souvient pas de Verna, alors qu’elle au contraire l’a tout de suite repéré, tandis qu’ils se retrouvent à bord d’une croisière dans l’océan Arctique. Verna n’a rien perdu de son sex-appeal, et quand celle-ci se met à flirter avec cet ex-bourreau des coeurs, Bob se réjouit de sa bonne fortune. Il ne sait pas encore que Verna n’a qu’une idée en tête. Le tuer et l’abandonner à son triste sort, sur la banquise. Les amateurs de science-fiction préféreron­t « Lusus naturae » (sur une femme vampire) ou, mieux encore, le formidable conte nommé « Alphinland ». Alors que le blizzard fait rage, Constance, une romancière connue dans les milieux de la fantasy, et qui a créé un univers parallèle dans le style du « Seigneur des anneaux », se retrouve coincée chez elle avec pour seule compagnie la voix de son mari. Ewan est mort, mais il lui parle encore à l’oreille, pour lui donner surtout des conseils de survie. Comment a-t-il découvert l’existence de Gavin, l’ex-amant poète de Constance, laquelle ne lui avait pourtant jamais parlé de cette liaison? S’il devait exister une anthologie des cinquante meilleures nouvelles de la littératur­e, « Alphinland », d’une drôlerie imparable et d’une justesse parfaite, devrait sans doute y figurer.

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