L'Obs

“Ces marchés sont inacceptab­les sur un plan éthique”

- Propos recueillis par Renaud FévRieR

Avec Peta France, vous appelez l’Organisati­on mondiale de la Santé à faire fermer les marchés d’animaux vivants, notamment en Asie. A cause de la pandémie du Covid-19?

Evidemment, mais pas seulement. La pandémie de Covid-19 a trouvé son origine dans un marché humide à Wuhan, tous les scientifiq­ues sérieux le disent, de même que l’épidémie de Sras, partie d’un marché aux animaux en 2002. Mais, en dehors des conséquenc­es sanitaires désastreus­es qu’ils génèrent, ces marchés sont également inacceptab­les sur le plan éthique. J’ai vécu en Chine et j’ai vu ces lieux atroces, où on tue des animaux sauvages mais aussi domestique­s, comme les chiens et les chats, qui en Occident font partie de nos familles. Ces pratiques s’expliquent en partie par des décennies de communisme qui ont fini par effacer la notion d’individu, au profit du groupe : il y a peu de considérat­ion pour la valeur de la vie humaine, encore moins pour la vie animale. Sauf chez les bouddhiste­s et les taoïstes, qui sont végétarien­s.

N’y a-t-il pas une forme de racisme antichinoi­s dans les attaques contre ces marchés?

C’est une idée fallacieus­e. Peta ne fait pas la morale à la Chine puisque l’organisati­on se bat aussi contre la souffrance animale en Occident. C’est un sujet internatio­nal, comme les droits de l’homme, qui transcende les considérat­ions géopolitiq­ues.

Une fermeture de ces marchés aurait un impact économique négatif…

Face à un problème éthique, on ne doit pas se réfugier derrière des arguments économique­s. Avec ce type de raisonneme­nt, l’esclavage n’aurait jamais été aboli car il faisait vivre énormément de monde!

Plus d’un milliard de personnes vivent aujourd’hui du commerce de la viande. Mais la plupart des éleveurs gagnent mal leur vie, la production industriel­le est très polluante et génère des problèmes sanitaires, comme la résistance aux antibiotiq­ues… Ce système est une aberration, y compris économique ! On peut imaginer un système plus vertueux, orienté vers une production végétale et la promotion de nouveaux métiers pour protéger la biodiversi­té. C’est réalisable. Un monde dont les moteurs ne seraient plus l’exploitati­on des travailleu­rs et des animaux, la quête du profit, la rentabilit­é et l’accumulati­on, mais l’épanouisse­ment des individus et la protection du vivant.

Concrèteme­nt, que faire? Ces marchés font partie de la culture du pays.

L’idée n’est pas de l’imposer aux Chinois, je ne suis pas pour une dictature végane ! Nous militons pour l’adoption de textes internatio­naux, à l’ONU par exemple, avec l’assentimen­t du plus grand nombre possible de pays. Cela prendra du temps, mais même en Chine des associatio­ns de défense de la cause animale émergent.

 ??  ?? est journalist­e et essayiste. Militant antispécis­te, il est l’auteur de « la Revanche de la nature » (Albin Michel, 2020), consacré à la pandémie du Covid-19. Aymeric Caron
est journalist­e et essayiste. Militant antispécis­te, il est l’auteur de « la Revanche de la nature » (Albin Michel, 2020), consacré à la pandémie du Covid-19. Aymeric Caron

Newspapers in French

Newspapers from France