Malheur aux beaux gosses
TROP BEAU, PAR EMMANUELLE HEIDSIECK, ÉDITIONS DU FAUBOURG, 116 P., 15 EUROS.
Défendre les minorités qui subissent des injustices, c’est bien, on ne le répétera jamais assez (surtout dans un journal comme « l’obs »). Mais qui dira la tragique souffrance des bombasses, des beaux gosses jalousés par leurs collègues, des créatures de rêve auxquelles on prête un cerveau limité ? Ici, un magnifique Marco de 36 ans (c’est Marylin Marco) est remonté à bloc. Victime de trois licenciements successifs, il attaque aux prud’hommes pour « discrimination fondée sur l’apparence physique ». Ces choses-là se font aux Etats-unis, pourquoi pas en France ? Publié par une toute jeune maison d’édition, « trop beau » d’Emmanuelle Heidsieck (photo) a d’abord l’air du pamphlet d’un troll hostile au « politiquement correct ». Il est beaucoup plus malin, et réussit à jouer sur tous les tableaux : ironiser sur l’obscénité de ce genre d’argumentaire quand il est repris par un enfant trop gâté, mais sans renoncer à dénoncer « une fascination maladive, voire mortifère » pour la beauté physique, ni à montrer que le principe de « l’égalité réelle », si volontiers brandi par des logiques victimaires ne croyant plus à l’égalité des droits, ferait bien d’être manipulé avec certaines précautions.