L'Obs

Les filles n’aiment pas toutes le rose !

Inclassabl­es, combatives, libres… Des figures féminines bousculent les stéréotype­s et interrogen­t les questions de genre. En voici quelques exemples

- Pour aller plus loin : « Stéréotype­s, fin de partie ? La Revue des livres pour enfants », décembre 2019. Par ANNE FLORE HERVÉ

C ’ est vrai, la littératur­e jeunesse véhicule des stéréotype­s de genre plus ou moins inconsciem­ment. De là à colorier toutes les filles en rose ? La réalité est un peu plus nuancée et le rose peut même s’avérer trompeur. Car des filles qui malmènent les clichés dans les livres pour enfants, il y en a aussi.

Le cas de Fifi Brindacier d’Astrid Lindgren (Hachette) est exemplaire. Certes, cette héroïne suédoise a été censurée dans sa première traduction française en 1951. Mais depuis 1995, elle a retrouvé son authentici­té, sa puissance et son franc-parler, loin des clichés de la petite fille sage.

Reste que Fifi, qui ne porte pas de rose, est encore considérée comme un garçon manqué… Cette expression, Julie la prend au pied de la lettre et la questionne à hauteur d’enfants dans une quête d’identité audacieuse. Publié en 1976, le conte « Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon » de Christian Bruel et Anne Bozellec a été réédité en 2014 par Thierry Magnier. Le thème du genre est également omniprésen­t dans «Buffalo Belle» d’Olivier Douzou (Rouergue), un portrait sensible et poétique d’Annabelle qui préfère les fusils aux poupées et qui se cherche, entre « il » et « elle ».

De son côté, « Brindille » de Rémi Courgeon (Milan) est la seule fille de la fratrie. Pas simple de prendre sa place dans la maison et de changer le regard de ses frères. Ce combat, elle le mène avec brio en enfilant des gants de boxe, mais sans renoncer à son identité.

La lutte de Pâquerette au pays des éléphants est plus passive, mais tout aussi e cace dans « Rose Bonbon » d’Adela Turin et Nella Bosnia, un classique toujours d’actualité (Actes Sud junior). L’éléphante a beau avaler des anémones pour avoir le teint rose comme sa jolie maman, elle reste grise. Sa résistance aura finalement raison de la tradition.

Désormais toutes les éléphantes sont grises.

Dans « Marre du rose » de Nathalie Hense et Ilya Green (Albin Michel Jeunesse, illustrati­on ci-contre) la jeune narratrice, qui aime le noir, déconstrui­t les stéréotype­s avec un peu d’insolence mais beaucoup de pertinence et se considère comme une fille réussie. Quant au rose de « Calamity Jane, l’indomptabl­e » d’Anne Loyer et de Claire Gaudriot (A pas de loups) – un très bel album– il est insaisissa­ble comme cette figure légendaire du Far West, déroutante et rebelle.

Il manque à ce bref tour d’horizon une princesse. Elle s’appelle Elisabeth et anéantit un dragon pour sauver son prince charmant. La version française de « la Princesse et le Dragon » de Robert Munsch et Michael Martchenko, best-seller canadien, est le premier album des éditions féministes Talents hauts paru en 2005. Le livre a été réédité en mars avec une version audio. La chute, désopilant­e et libératric­e, laisse les enfants cois et c’est jubilatoir­e !

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