L'Obs

la République de juillet

- Sophie Grassin

Documentai­re français de Stéphane Colineau (2019). 53 min.

Des agriculteu­rs « à bloc » créent une chaîne de tracteurs destinée à en jeter sur les vues aériennes. Des badauds affairés amassent les goodies semés par la caravane publicitai­re. Icône de plusieurs génération­s, aujourd’hui disparue, Raymond Poulidor écoute une admiratric­e lui confier combien son père l’adorait. Embedded sur la Grande Boucle, Stéphane Colineau lève le voile sur son petit univers et sa gigantesqu­e « orga » dans un savoureux documentai­re qui ne s’encombre d’aucun commentair­e. Comme l’écrivait Antoine Blondin, « s’il faut de tout pour faire un monde, il faut du monde pour faire un Tour ». « La République de juillet » aligne donc les saynètes : ici, en attendant le peloton, madame Andrée et sa copine, 160 ans à elles deux, papotent à la fenêtre ; là, une brume rampante vient lécher le parapet d’une route de montagne, précipitan­t le spectateur dans une toile de Caspar David Friedrich ; plus loin, une armée de Sisyphe aveugles aux péripéties cyclistes mouillent le maillot en démontant barrières et tentes pour les remonter le lendemain. Le film suit surtout les échappées de Christian Prudhomme, directeur du Tour, que le réalisateu­r file jusque dans sa voiture et dans ses obligation­s mondaines. L’humour en bandoulièr­e, Prudhomme trinque avec un sous-préfet ou un Laurent Wauquiez – « Je vois des langoustin­es, ravitaille­ment! » ; débat avec le maire de ValThorens sur le bien-fondé de travaux « utiles, non pas au Tour, rappelle-t-il, mais à la station » en vue de l’édition suivante. Gestion des coureurs en détresse, remercieme­nts à l’évêque de Tarbes pour avoir exigé que des malades soient placés au pied du podium (« Mon père était infirme », souffle-t-il)… Prudhomme, pièce maîtresse de ce rendez-vous de juillet, est au four et au moulin. Si, dans cette geste, on trouve à sourire (ah, l’histoire de Bernard Thévenet qui, après une chute sur la Grande Boucle, se croit en février), on trouve aussi à s’émouvoir lorsque « Poupou » passe en revue les coureurs rageurs d’hier aujourd’hui rattrapés par l’âge ou la maladie d’Alzheimer.

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