L'Obs

Serrer sa chance

21h05 France 3 Jean-Jacques Goldman, de l’intérieur

- Elsa Vigoureux

Documentai­re français de Didier Varrod (2017, réactualis­é en 2020). 1h50.

Ça s’appelle « Jean-Jacques Goldman, de l’intérieur ». Un documentai­re sur lui mais sans lui. L’histoire d’un artiste adulé par les masses, méprisé par ceux qui se pensent au-dessus de ces dernières. Goldman a choisi les gens, ces vies anonymes qui le fascinent, il a donné sa voix à ceux qu’on n’entend pas, il a pris le ton de leur tendre mélancolie, le rythme de leurs énergies résiliente­s. Il dit « Je te donne » quand il rend à ceux qui se démènent, ceux qui n’ont pas le temps de se regarder vivre. On peut écouter sans entendre, ça rentre ; Goldman imprime une direction. C’est en fait un voyage dans son monde que propose Didier Varrod. On y voit défiler ses chansons comme les couleurs d’un paysage, ses mots aussi qui en dessinent les humeurs. Il est absent par choix : Goldman préfère s’enivrer dans le mouvement de la foule, « n’être rien parmi des milliers ». Il fuit l’image, celle qui fixe, enferme, déforme. Celle qui menaçait de le confisquer à la vie, la vraie, faite de ces « tout petits riens », « ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard », « cette inquiétude sourde qui coule en nos veines », les soubresaut­s d’une époque qu’il a su saisir comme personne dans les mouvements de nos quotidiens héroïques, si étroits et anonymes soient-ils. Il chante les gens, et on entend la banlieue, la déportatio­n des enfants juifs, le refus du déterminis­me social. L’idée infuse partout dans ses mots qu’il faut savoir serrer sa chance, chacun son moment. « Il suffira d’un signe ». Alors on comprend que JeanJacque­s Goldman ne joue pas la rareté pour se faire plus précieux qu’il n’est. Il n’est pas question de posture mais d’une condition, sans laquelle ses textes n’auraient pas la valeur universell­e que le public leur reconnaît. Goldman est aussi, comme tout le monde, une solitude qui en raconte tant d’autres. Pour ce documentai­re, Didier Varrod a invité d’autres voix afin de chanter ses textes, qui résonnent comme des hymnes. Et on se dit que oui, « le pire est au bout de l’absence ». Car, malgré le temps qui passe sans lui, JeanJacque­s Goldman est plus vivant qu’on ne le croit.

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