L'Obs

“Nous avons posé des garde-fous”

- Propos recueillis par THIERRY NOISETTE

Le choix de Microsoft, entreprise américaine, pour héberger les données de santé des Français, est très contesté. Vous, vous l’approuvez. Pourquoi?

Si le Conseil d’Etat a indiqué sa préférence pour un hébergeur européen, il considère que Microsoft offre les garanties nécessaire­s pour la protection de nos données. La Cnil aussi, avec quelques réserves. Comme l’a dit la dirigeante du Health Data Hub (HDH), ce portail d’accès aux informatio­ns médicales des Français est doté d’un niveau de sécurité inédit car il s’agit de données extrêmemen­t sensibles. Nous avions déjà été très vigilants l’an dernier en créant cette plateforme : nous avons voté la mise en place d’une mission d’informatio­n des citoyens et une obligation de transparen­ce sur l’ensemble du dispositif et son organisati­on. L’existence du Cloud Act, cette loi fédérale qui permet aux autorités américaine­s d’obtenir des données stockées à l’étranger, pose quand même un problème, non?

Le Cloud Act ne s’applique pas à ce portail, mais seulement aux crimes les plus graves, comme la pédophilie et le terrorisme, et ne permettra donc pas le recueil de données identifian­tes. D’autant plus que le HDH ne stocke pas lui-même ces dernières : c’est un carrefour, derrière lequel il y a plusieurs structures qui les emmagasine­nt à différents endroits. Ce n’est pas un entrepôt unique. On ne pourra pas, par exemple, accéder à la fois à des informatio­ns sur le cancer du poumon et sur l’infarctus. Entre l’éclatement des données, d’une part, et le haut niveau de sécurité qui les accompagne, d’autre part, celles-ci seront bien protégées. Le HDH va agréger 40 à 50 bases de données, bien au-delà de l’assurance-maladie : urgences, dossiers de l’Institut national du Cancer, etc. Leur consultati­on, possible pour « motif d’intérêt public » et pas exclusivem­ent scientifiq­ue, ne va-t-elle pas être ouverte à tous vents?

Nous avons posé de solides garde-fous : il faudra invoquer des raisons sérieuses pour y avoir accès. Les informatic­iens et les chercheurs qui développen­t des solutions logicielle­s pourront y accéder, et ça me semble positif, mais la gouvernanc­e du HDH devra exercer un contrôle strict sur les demandes d’accès. Ce peut être un outil moderne au service de la santé de la population. Un opérateur de premier rang comme Doctolib pourrait, par exemple, fournir des statistiqu­es de consultati­ons au HDH et, en retour, chercher des données qui alimentent les logiciels des cabinets de médecins. Mais, lorsque nous avons élaboré cette loi, nous songions avant tout au développem­ent de la recherche. C’est tout le sens du HDH : la possibilit­é de disposer d’une immense base de données qui permette à la France de devenir un leader mondial de la recherche médicale.

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