“Microsoft aura accès aux data”
Le choix d’une entreprise américaine pour héberger les données de santé des Français suscite de nombreuses réserves. Sont-elles justifiées?
Oui, il y a un vrai problème. Après avoir lu dans « le Monde » le cri d’alarme de médecins et d’experts en cybersécurité, j’ai souligné, en séance au Sénat, le fait que, en catimini à l’automne dernier, le gouvernement a confié la gestion de nos données de santé à Microsoft, acteur extra-européen. Or c’est un sujet qui aurait mérité un débat approfondi au Parlement : nos données de santé constituent en effet un actif stratégique pour les secteurs d’avenir rentables que sont la prévention et l’assurance, sur lesquels capitalisent déjà des géants américains, comme Microsoft ou Palantir. En quoi est-ce un problème qu’un acteur américain gère cette plateforme?
Choisir une entreprise extra-européenne, c’est renoncer à notre souveraineté industrielle et nous placer sous législation étrangère : le Cloud Act américain permet de rapatrier les données des Européens, sur injonction fédérale, l’inverse n’est pas vrai. Ce choix s’apparente à une politique de Gribouille, qui favorise les acteurs américains. Enfin, la Cnil relève dans son avis que Microsoft aura bien accès aux données, contrairement à ce que l’entreprise a prétendu. Microsoft n’a pas dit la vérité en affirmant n’être qu’un hébergeur, alors qu’il aura accès aux data.
Je ne suis pas hostile à ce que l’on exploite davantage les données de santé, mais de façon respectueuse et éthique, et pas en nous remettant aux mains de géants monopolistiques dont on connaît les pratiques. La protection de la vie privée est un droit fondamental qui ne peut pas être respecté dans le modèle du capitalisme de surveillance à l’américaine, pas plus que dans celui du contrôle des personnes à la chinoise. L’Union européenne doit proposer une troisième voie et défendre ses valeurs. Pourtant, le débat public sur les données médicales a surtout porté récemment sur l’application StopCovid…
Oui, mais StopCovid est l’arbre qui cache la forêt! Le vrai sujet, c’est ce qui est pérenne et va conditionner nos politiques de santé, comme la plateforme Health Data Hub. Sur le choix de Microsoft, le secrétaire d’Etat Cédric O m’a répondu en séance au Sénat : « Parce qu’il n’y a pas d’autre solution en Europe et que c’était la seule société qui offrait les services et fonctionnalités dont nous avions besoin. » C’est incroyable dans la bouche d’un ministre français ! Nous avons des entreprises françaises et européennes de dimension internationale qui pourraient tout à fait répondre à notre demande. Mais il faut faire le choix d’une politique industrielle volontariste. Le recours à Microsoft, c’est la politique de la facilité, pour ne pas dire de l’abandon.